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XLVII
INTRODUCTION

volte, soit des crimes privés dont ils se souillaient chaque jour.

Mais le plus terrible ennemi, le plus impitoyable destructeur de la féodalité, fut Louis XI. Les nobles croyaient comme Dunois le moment favorable pour eux à son avènement. « Que chacun songe à se pourvoir, » disait-il. Ils avaient jugé superficiellement le nouveau roi. Louis XI montra, en effet, au début une activité un peu brouillonne et imprudente ; les nobles formèrent pour leur bien particulier la soi-disant ligue du Bien Public. Il fallut leur livrer bataille à Montlhéry et signer les traités fâcheux de Conflans et de Saint-Maur (1465). Louis XI, qui usait de la perfidie comme d’une arme légitime en politique, reprit en détail les concessions qu’il avait faites. Nouvelle coalition. Il crut en venir à bout tout de suite en séduisant par l’habileté de sa parole le chef de la coalition, le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire. Mais celui-ci, apprenant qu’à ce moment même le roi poussait à la révolte ses sujets de Liège, entra en fureur et le retint prisonnier à Péronne (1468). Louis XI ne sortit de ce grand danger que par un nouveau traité désastreux. Ce fut sa dernière faute, et depuis ce moment on ne voit en lui que le plus actif et le plus rusé politique qui ait jamais été.

Il fit annuler le traité de Péronne par une assemblée de notables. Il se débarrassa, dit-on, de son frère, le duc de Guyenne, qui conspirait avec les ennemis de la royauté. Il contraignit à la paix par la force des armes le duc de Bretagne, tandis que Charles le Téméraire échouait devant Beauvais (1472) ; il éloigna avec de l’argent le roi d’Angleterre, Édouard IV, que le Bourguignon avait appelé en France. Enfin, il obligea son terrible ennemi à tourner sur un autre sa fougue malheureuse, en suscitant contre lui les Suisses, l’empereur d’Allemagne, le duc de Lorraine. On ne peut se défendre de quelque pitié pour le triste Charles, lorsqu’on le voit enveloppé dans les filets que la puissante habileté de son adversaire lui a tendus de tous côtés : plein d’une fureur aveugle, comme un lion pris au piège, il fait la guerre partout sur le Rhin, tandis que Louis en repos le regarde et jouit de son œuvre. Il échoue à Neuss ; il se brise à Morat et à Granson contre les hallebardes des Suisses ; enfin, il se fait tuer sous les murs de Nancy (1477). Louis XI ne se sent pas de joie. Voilà la grande puissance féodale abattue, la Bourgogne et la Franche-Comté sont réunies au domaine. Déjà les maisons d’Alençon, d’Armagnac, de Saint-Pol, étaient tombées sous ses coups. Un testament dicté à René d’Anjou acquit à la couronne la Provence, le Maine et l’Anjou. Le Roussillon et la Cerdagne avaient été achetés au roi d’Aragon. Il ne restait plus de grands fiefs que la Bretagne et le Bourbonnais. Au milieu de cette lutte si active, Louis XI avait trouvé le temps d’encourager le commerce, l’industrie, l’imprimerie, les lettres. Roi savant et instruit comme Charles V, il se servit des roturiers pour détruire la noblesse.



GUERRES D’ITALIE.

On a appelé guerre folle la révolte des seigneurs au début du règne de Charles VIII (1483). Révolte folle en effet, et qui n’aboutit qu’à un nouvel échec de ceux qui l’avaient faite ; Charles VIII épousa l’héritière de Bretagne et prépara ainsi la réunion de ce grand fief à la couronne. C’était bien. C’était là l’œuvre de la régente Anne de Beaujeu. Mais quand le petit roi put tenir une lance, il voulut comme Charles VI aller faire des prouesses. Il lui souvint qu’il était héritier du royaume de Naples par la maison d’Anjou. Il abandonne follement la Cerdagne, le Roussillon, la Franche-Comté, pour partir plus vite à ses grandes conquêtes. Il se voyait déjà maître de Constantinople. L’Italie fut aisément parcourue, et Naples prise. Une ligue est formée par les Vénitiens derrière les Français ; ceux-ci se rouvrent à Fornoue le chemin de la France, mais perdent tout ce qu’ils ont conquis et voilà tout le fruit de l’expédition (1494-1495).

Louis XII apporta de plus à la couronne des droits sur le Milanais. Conquête du Milanais. Il s’occupe ensuite du royaume de Naples, et le partage par le traité de Grenade avec le roi d’Espagne. Conquête du royaume de Naples. Pour qui ? Pour le rusé Ferdinand, qui se joua du bon Louis XII, et ne tarda pas sous tel et tel prétexte de s’emparer de tout le royaume de Naples. Louis XII était un prince d’une médiocre habileté, mais honnête ; bon pour le peuple, qu’il soulagea, et dont il fut appelé le père. Le roi catholique d’Espagne était un prince excessivement habile, mais malhonnête. Il appartenait à l’école des politiques de ce temps, l’école de Louis XI et des César Borgia, dont Machiavel a écrit la théorie. On rapporta à Ferdinand que Louis XII s’était écrié dans son mécontentement : « Voilà la première fois que le Roi Catholique m’a