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XLIII
INTRODUCTION

simultanément, commença à déborder au dehors. Sans parler de nouveau du royaume français de Jérusalem et de l’empire français de Constantinople, voici le frère de saint Louis, Charles d’Anjou, qui installe une dynastie française sur le trône des Deux-Siciles et prépare les longues prétentions des rois de France sur l’Italie méridionale.



PHILIPPE LE BEL. ÉTATS GÉNÉRAUX.

Le règne de Philippe le Bel (1285-1314) commence les funérailles du moyen âge. Le caractère de ce roi concourut avec les circonstances pour introduire des changements d’un aspect tout moderne. Non seulement il accrut le domaine royal comme ses prédécesseurs, y ajoutant la Navarre et la Champagne par un mariage, la Marche et l’Angoumois par un arrêt du parlement ; Lyon, Montpellier et une partie de la Flandre par transaction ou par conquête ; mais encore il affranchit les couronnes par la lutte violente et victorieuse qu’il engagea avec la papauté, et, pour attirer à lui la nation dans une entreprise si périlleuse, il convoqua les premiers états généraux (1302). Il organisa le parlement et se servit des hommes de loi comme du meilleur instrument pour ruiner la féodalité ; de sorte que, soit dans les états généraux, soit dans le parlement, les roturiers participèrent au gouvernement. Il eut grand besoin d’argent, et, s’il recourut quelquefois aux moyens les plus tyranniques, il en imagina un qu’on ne peut que louer : il rendit, la liberté aux serfs qui purent l’acheter. Mieux eût valu la donner, mais c’était déjà beaucoup pour l’époque. Il attaqua le droit de battre monnaie dont jouissaient les seigneurs. C’est sous son règne, à Courtrai (1302), que la noblesse française, déjà battue par les roturiers sur le terrain des affaires et des lois, commença à se laisser battre aussi sur les champs de bataille. Philippe le Bel vengea Courtrai en conduisant à Mons-en-Puelle soixante mille fantassins. L’infanterie des vilains répara le désastre de la cavalerie féodale. Le besoin d’argent poussa Philippe le Bel à la terrible exécution des templiers : c’était un ordre orgueilleux, riche et dangereux, qui réunissait la puissance de la religion à celle des armes ; mais Philippe les traita avec toute la cruauté que l’Église avait coutume de déployer contre les hérétiques.

Malgré la réaction féodale qui éclata à la mort de Philippe le Bel, ses fils poursuivirent son œuvre. Louis X continua de vendre la liberté aux serfs du domaine royal et proclama ce beau principe que, « selon le droit de nature, chacun doit naître franc. »

Philippe V convoqua trois fois les états généraux, donna à des roturiers des lettres de noblesse, permit aux bourgeois des villes de s’organiser militairement. Il songeait même à établir l’unité de poids et de mesures « pour que le peuple marchandât plus sûrement. »

Charles IV, sans écouter ni les supplications des nobles ni les prières du pape, oncle de la victime, fit pendre un puissant baron du Midi, le sire de L’Isle-en-Jourdain, qui croyait que sa baronnie le mettrait à couvert du châtiment dû à ses crimes.

Avec le dernier fils de Philippe le Bel s’éteint la première branche des Capétiens (1328).



GUERRE DE CENT ANS. PHILIPPE VI ET JEAN.

Un terrible fléau, une guerre d’un siècle vient arrêter la France dans son progrès. À la mort de Louis X, les états généraux avaient écarté sa fille du trône pour y appeler son frère, établissant la loi d’État qu’on a nommée loi salique. À l’extinction de la famille de Philippe le Bel, Édouard III, roi d’Angleterre, qui descendait de ce prince par sa mère, prétendit succéder Charles IV ; les états, confirmant la loi salique, donnèrent la couronne à Philippe de Valois. Édouard se soumit d’abord et prêta hommage pour la Guyenne à Philippe VI. Mais, dix ans après, à l’instigation de Robert d’Artois et des Flamands révoltés sous le brasseur Arteveldt, il renouvela ses prétentions, prit le titre de roi de France et commença la guerre (1337). La Flandre et la Bretagne en furent d’abord le théâtre. Mais, en 1346, Édouard débarqua en Normandie, ravagea le pays et poussa ses coureurs jusqu’à Saint-Cloud. Philippe VI l’alla attendre avec une immense et brillante armée féodale en Picardie. Alors fut livrée la bataille de Crécy. Tout fut conduit du côté des Français avec maladresse et désordre ; on fit une marche de cinq lieues par la pluie avant le combat. Les Seigneurs, au lieu d’accepter un ordre de bataille raisonnable, se portèrent tous en avant pour être des premiers à frapper. Ils étaient si pressés de porter des coups qu’ils passèrent sur le corps des archers génois qui formaient l’avant-garde française. C’était assez pour perdre la bataille, et