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XXXVIII
LA FRANCE ILLUSTRÉE

ter la race vénérée des Mérovingiens. Il fit consulter le pape Zacharie « touchant les rois qui, alors, étaient en France et qui n’en possédaient que le nom, sans en posséder la puissance. » Le pape répondit qu’il valait mieux que celui qui avait l’autorité de roi en eût aussi le titre. « Dans cette année (752), dit Éginhard, d’après la sanction du pontife romain, Pépin fut appelé roi des Francs, oint pour cette haute dignité de l’onction sacrée, par la sainte main de Boniface, archevêque et martyr d’heureuse mémoire, et élevé sur le trône, selon la coutume des Francs, dans la ville de Soissons. Quant à Childéric, qui se parait du faux nom de roi, Pépin le fit mettre dans un monastère. » Ainsi se pratiquait une usurpation au viiie siècle de l’ère chrétienne.



CARLOVINGIENS.

Pépin le Bref fonda la dynastie nouvelle ; mais ce fut son fils, le glorieux Charles, qui lui donna son nom. Charlemagne trouva l’Aquitaine à peu près terrassée par les derniers coups que son père venait de lui porter. Il acheva de la soumettre, et désormais sûr de tout l’empire des Francs, il put s’occuper d’en étendre les frontières. Déjà vaincus par Pépin, les Lombards continuaient d’inquiéter le pape : Charlemagne s’empara de leur royaume et prit le titre de roi d’Italie. Il entreprit en même temps ses grandes guerres sur toutes les frontières de l’empire. La plus longue et la plus terrible fut dirigée contre les Saxons : elle dura trente-trois ans. Charlemagne fit à ce peuple féroce une guerre féroce : il en fit massacrer en une seule fois quatre mille cinq cents, qui avaient été faits prisonniers. Il leur imposa la religion catholique et les soumit à un code spécial où la peine de mort était prodiguée. À ce prix les Saxons furent domptés, et des évêchés et des monastères fondés chez eux allait sortir l’Allemagne du moyen âge. Au delà des Saxons, Charlemagne eut ensuite à combattre les Wiltzes et les Danois. Plus au sud, il anéantit la puissance des Avares. Enfin, à l’autre extrémité de l’empire, il alla combattre les Sarrasins et recula sa frontière jusqu’à l’Èbre. Au retour, son arrière-garde fut détruite à Roncevaux : Roland, préfet de la marche de Bretagne, y périt, Roland sur lequel nous ne savons rien autre chose, mais dont le moyen âge s’est plu à orner et chanter les exploits.

En l’an 800, le maître de tant de pays se fit couronner empereur, à Rome, par le pape, pour cacher sa barbare origine et marcher l’égal des empereurs d’Orient, qui lui envoyèrent des ambassades. Il en reçut aussi du calife Haroun-al-Raschid.

Charlemagne donna à son vaste empire une forte organisation intérieure. Des comtes administrèrent les provinces ; des envoyés royaux parcoururent sans cesse l’empire pour en reconnaître l’état et en instruire le souverain ; lui aussi s’en occupait sans cesse ; deux fois l’an, il réunissait l’assemblée générale, y proposait des lois qui étaient ensuite promulguées sous le nom de Capitulaires. Il fonda des écoles et une académie du palais. Lui-même étudiait : Alcuin lui enseignait la rhétorique, la dialectique et l’astronomie. « Il essaya même d’écrire, dit Éginhard, et avait habituellement sous le chevet de son lit des tablettes et des exemples pour s’exercer à former des lettres quand il trouvait quelques instants de liberté : mais il réussit peu dans cette étude commencée trop tard et à un âge peu convenable. »

Charlemagne étudiant l’alphabet sur le trône impérial donne une idée de l’ignorance des Francs de ce temps. Ils n’étaient rien moins que disposés à recevoir la civilisation et l’instruction dont se montrait si avide ce génie supérieur à son époque. Quand le sceptre eut passé aux faibles et impuissantes mains de Louis le Débonnaire, les grands et les évêques recommencèrent, comme sous les Mérovingiens, à lever la tête. Les fils de l’empereur, jaloux les uns des autres, se firent les chefs des partis et les fauteurs des intrigues. Charlemagne avait déjà reconnu la nécessité de diviser son empire et de former de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Aquitaine des royaumes particuliers. Louis le Débonnaire renouvela ce partage en 817 : Pépin eut l’Aquitaine, Louis la Bavière, Lothaire l’Italie. Un quatrième fils, Charles le Chauve, naquit après les autres : il fallut lui faire une part ; aussitôt ses frères, jaloux, se révoltent. Ils forcent leur père à se laisser publiquement dégrader, sans souci de la majesté de l’empire.

Louis le Débonnaire mourut peu de temps après. Lothaire, qui lui succéda comme empereur, voulut exercer sur ses frères une suprématie qui les révolta. Une grande bataille se livra à Fontanet, près d’Auxerre. Lothaire fut vaincu et avec lui la puissance impériale. Le traité de Verdun (843) fit de l’empire carlovingien trois parts. Charles eut toute