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AISNE

origine de Soissons nous permet de passer rapidement sur la première période de ses annales ; c’est la dernière place forte que conservèrent les Romains dans les Gaules. Soissons devint capitale du royaume franc sous les descendants de Clovis ; Carloman fut sacré à Soissons en 786, mais cette prédilection des princes l’exposait à devenir le théâtre d’événements mémorables à tout autre titre. Quand Louis le Débonnaire fut dépouillé par ses fils, ligués pour se partager ses États, c’est dans l’abbaye de Saint-Médard de Soissons qu’il fut enfermé, à deux reprises, en 830 et en 833. Cette seconde fois, placé debout et devant l’autel chargé des reliques de saint Médard et de saint Sébastien, on l’obligea de lire lui-même, à haute voix, l’acte qui le condamnait ; puis, après cette lecture, de se reconnaître coupable, de réclamer la pénitence canonique. Après la révolte des fils vient celle des vassaux en 923, Charles le Simple est attaqué sous les murs de Soissons par Robert, comte de Paris.

Les évêques eurent la sagesse de prévenir une autre révolte plus légitime ; l’exemple donné par les villes de Laon et d’Amiens profita à Soissons ; ses habitants obtinrent, sans effusion de sang, l’affranchissement des servitudes féodales, qui avait coûté si cher à leurs voisins. Leur charte communale date de 1131. Soissons fut choisie l’année suivante par Louis le Gros, et plus tard, en 1141 et 1149, par Louis le Jeune ; enfin, en 1212, par Philippe-Auguste, pour lieu de réunion où s’ouvrirent, à ces différentes époques, des conférences entre les rois et les grands sur les affaires qui touchaient aux intérêts généraux du royaume. La lutte des Armagnacs et des Bourguignons fut une époque calamiteuse pour le Soissonnais, et surtout pour sa capitale prise et reprise tour à tour par chacun des partis ; Charles VI et le dauphin y commirent en 1413 d’horribles excès ; presque tous les habitants, coupables de sympathie pour les Bourguignons, furent massacrés. Les guerres de la Ligue lui furent aussi fatales ; les huguenots s’en emparèrent en 1567 et la saccagèrent. Les fortifications actuelles furent élevées par Mayenne, lorsqu’il les eut chassés de la place. Soissons, en 1814, fut prise et reprise quatre fois par les étrangers et par les Français. Assiégée depuis un mois, devant les horreurs d’un bombardement et l’inutilité d’une plus longue résistance, elle dut accepter la capitulation qui lui fut offerte. Après Waterloo, elle servit de point de ralliement à notre armée. Soissons enfin, en 1870, paya encore son tribut à la guerre. Attaquée et bombardée par les Prussiens, elle se rendit le 16 octobre.

La ville de Soissons est bâtie au centre de la délicieuse vallée de l’Aisne, sur la rive gauche de cette rivière canalisée dont la navigation est fort active ; d’intelligents travaux d’élargissement et d’alignement ont approprié les rues au mouvement moderne, sans retirer à l’aspect général une certaine dignité tranquille, qui répond bien aux souvenirs historiques et au caractère des habitants. Soissons possède plusieurs monuments remarquables : la cathédrale, œuvre capitale de l’architecture gothique ; la belle façade de l’ancienne abbaye de Saint-Jean-des-Vignes, les deux cryptes de l’église Saint-Léger, les restes de l’église collégiale de Saint-Pierre et de l’abbaye royale de Notre-Dame de Soissons ; l’hôtel de ville, dans la cour duquel s’élève la statue de Paillet ; le château, l’hôpital général, le collège, le musée et la bibliothèque, qui compte plus de 30,000 volumes. Soissons fait un grand commerce de grains et de farines, de haricots, de pois, de lin et de chanvre, de laine, de bétail, de bois et de charbon ; elle fabrique des instruments aratoires, de la poterie, des chandelles ; elle a des tanneries, des corderies, etc. Cette ville est la patrie de Mayenne, du général Ronsin et de Quinette.

Les armes de la ville sont : de gueules, à une fleur de lis d’argent, et pour devise : Fidelis aduror amore.



Villers-Cotterets. — Villers-Cotterets (Villare ad caudam Retziæ), station de la ligne de Paris à Hirson, chef-lieu de canton, de 3,206 habitants, à 24 kilomètres au sud-ouest de Soissons, doit son origine à un village fondé sur la lisière de la forêt de Retz (forêt de Villers-Cotterets), par des forestiers, des bûcherons et des sabotiers. Plus tard, au VIIe siècle, il s’y établit un prieuré qui bientôt après fit place à l’abbaye de Saint-Remi, composée d’hommes et de femmes ; mais lorsque, sur une bulle du pape, cette association des deux sexes dans les premiers monastères eut été défendue, l’abbaye de Saint-Remi fut donnée par Charles le Chauve aux bénédictins de Notre-Dame de Soissons. Le domaine de Villers-Cotterets était depuis longtemps divisé entre plusieurs seigneurs, lorsque Charles de Valois y fit reconstruire une habitation qu’il possédait au lieu dit de la Male-Maison et la transforma en un