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LA FRANCE ILLUSTRÉE

les motifs ; Philippe le Bel la rétablit en 1322, à la promesse faite par le peuple de relever à ses frais les fortifications. Livré comme un enjeu permanent à toutes les chances de la guerre dans les démêlés des rois de France avec les ducs de Bourgogne, l’Espagne et la maison d’Autriche, Saint-Quentin supporta les désastreuses conséquences de la mémorable bataille dite de Saint-Quentin, après laquelle la ville, investie par une armée de 100,000 combattants, fut obligée de succomber au bout de vingt et un jours de tranchée ouverte. Telle fut la mortalité pendant le siège et la terreur des survivants, que pas un seul habitant ne resta dans la ville. Saint-Quentin ne fut rendu à la France que par le traité de Cateau-Cambrésis, le 16 décembre 1559. Peu à peu la ville se repeupla, les ruines se relevèrent, et l’industrie vint cicatriser les plaies de la guerre ; la création des premières fabriques de linon, l’introduction de la culture du lin, dues à Crommelin, datent de 1579.

Pendant la guerre de 1870-1871, Saint-Quentin, ville ouverte, résista vaillamment aux Prussiens ; le 3 octobre 1870, bourgeois et ouvriers prirent les armes ; des barricades furent construites, et après un combat de cinq heures les Allemands furent repoussés ; mais, le 19 janvier 1871, le général Faidherbe, à la tête de 25,000 hommes, livra, sous les murs de la ville, une bataille qu’il perdit, contre une armée ennemie de beaucoup supérieure en nombre.

Délivrée de l’occupation, Saint-Quentin ne tarda pas à reprendre son essor industriel que rien n’est venu troubler depuis. La filature et le tissage occupent un nombre immense de bras dans la ville et les campagnes environnantes ; quoique le coton ne soit employé généralement que comme mélange dans la confection de ses tissus, Saint-Quentin absorbe la quarantième partie des importations que reçoit la France. Le goût et le bon marché des produits, une activité infatigable, une certaine audace dans les spéculations ont fait de Saint-Quentin un des centres commerciaux les plus importants de toute la France. On peut dire que Saint-Quentin est le Manchester de la France. Le district de Saint-Quentin était d’ailleurs prédestiné à sa haute fortune commerciale par une position exceptionnelle. Il est placé à la porte du Havre dont le port est le principal marché pour les cotons ; il est tout près des fosses d’où l’on extrait le charbon du Nord ; il est également très rapproché de Paris, où une partie de ses produits trouve un débouché assuré. Saint-Quentin est le centre d’une production manufacturière employant 130,000 ouvriers, répartis dans 800 établissements qui travaillent la quarantième partie des cotons importés en France, et produisent par an pour une valeur de 80 à 90 millions de francs.

La ville, située au sommet et sur le penchant d’une colline au bas de laquelle coule la Somme est entourée à l’est par le canal de Picardie comme d’une demi-ceinture, plantée de beaux arbres qui forment une promenade charmante ; les rues principales sont larges et bien percées ; presque au centre s’étend une vaste et belle place à laquelle aboutissent les trois grandes voies qui donnent accès dans la ville. Les monuments les plus remarquables sont : l’hôtel de ville, d’un style gothique, surchargé d’ornements bizarres ; la cathédrale, monument historique, qui rachète l’absence de ses tours par une grande pureté de lignes à l’intérieur ; l’église Saint-Jacques (aujourd’hui la halle au blé), l’Hôtel-Dieu, les hospices, la bibliothèque, riche de 15,000 volumes, le jardin de l’Arquebuse, le lycée, le musée, la salle de spectacle, le beffroi, le palais de justice et la statue du célèbre peintre de pastels, Quentin de La Tour, né à Saint-Quentin.

Saint-Quentin a vu naître également le savant Condorcet et l’utopiste Babeuf.

Les armes de la ville sont : d’azur ou bien de gueules, à un buste de saint Quentin d’argent, accompagné de trois fleurs de lis d’or, deux en chef et une en pointe.



Soissons (lat. 49° 22’ 53" ; long. 0° 59’ 18" E.). — Soissons (Noviodunum Suessonæ, Augusta Suessionum), importante station des lignes de Paris à Hirson et à Mézières, à 40 kilomètres sud-ouest de Laon, chef-lieu d’arrondissement peuplé de 11,089 habitants, place de guerre de 3e classe, siège d’un évêché, d’un tribunal de commerce et de première instance, avec collège communal et séminaire diocésain, était autrefois comté, évêché, chef-lieu d’intendance et d’élection, siège d’un gouvernement particulier, capitale de la province du Soissonnais, avec prévôté générale de maréchaussée, bailliage, présidial, justice consulaire, bureau des finances, 2 chapitres, 5 abbayes, 6 couvents et 1 académie.

Ce que nous avons eu occasion de dire dans l’histoire générale du département sur l’antique