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LA FRANCE ILLUSTRÉE

Folembray. — Folembray (Folancebrayum, Folembrayum, Casa Braia), à 31 kilomètres sud-ouest de Laon, canton de Coucy, est un bourg peuplé de 1,565 habitants, qui doit son illustration historique à son château, construit au XIIIe siècle par Enguerrand III, sire de Coucy, relevé de ses ruines et restauré au XVIe par François Ier. Ce prince et Henri II y résidèrent souvent ; Henri IV y signa avec Mayenne le traité qui mit fin aux guerres de la Ligue. Une tradition, d’autant plus répandue qu’elle est ridicule, donne pour origine au nom de ce lieu une exclamation de Henri IV qui, voyant pleurer la belle Gabrielle du chagrin que lui causait son départ, se serait écrié : Ah ! la folle en braie ! Cette explication, plus ingénieuse que galante, est de toute invraisemblance, car le nom du village, antérieur de plus de cinq siècles à la naissance de Henri IV, est relaté authentiquement à l’époque de la construction première du château, au XIIIe siècle comme nous l’avons dit. S’il fallait choisir entre plusieurs étymologies incertaines, nous inclinerions pour celle qui fait dériver le nom de Folembray de folium, feuille, et de brayum, mot de la basse latinite qui signifie marais, parce qu’elle s’applique parfaitement à la nature du sol boisé et marécageux où s’établirent les premières habitations.

Une verrerie importante existe aujourd’hui dans les dépendances de l’ancien manoir royal ; elle fut fondée en 1705 par un sieur Thévenot, dont les produits jouissaient d’une telle réputation, que les bouteilles attribuées à cette fabrique prirent le nom de thévenottes. Un édit royal permettait aux gentilshommes de devenir verriers sans déchoir. L’exploitation de l’industrie de Folembray est aujourd’hui aux mains de la famille de Poilly, chez laquelle de larges vues commerciales s’appliquent avec intelligence aux progrès des arts.



Saint-Gobain. — Saint-Gobain, à 7 kilomètres sud de La Fère et à 26 de Laon, est peuplé par 2,193 habitants.

Dans l’antique forêt de Voas, sur une colline nommée le mont Érème, c’est-à-dire le mont inculte, et dans un endroit où l’empreinte de son bâton fit, dit-on, jaillir une source, saint Gobain bâtit, au VIIe siècle, un ermitage. Massacré par les habitants à demi sauvages de ces contrées, il fut enterré dans le modeste oratoire qu’il avait élevé et consacré à saint Pierre. De nombreux miracles se faisaient autour de son tombeau ; l’affluence des pèlerins donna naissance à un village qui prit le nom du saint qu’on venait implorer ; un prieuré d’hommes y fut fondé au XIe siècle ; puis, vers la même époque, Enguerrand III de Coucy y fit élever un château fort, ruiné en 1339 par les Anglais et saccagé par Charles le Téméraire en 1471. La guerre et deux épidémies plus meurtrières encore avaient décimé la population du bourg, quand, dans la première moitié du XVIe siècle, Marie de Luxembourg, veuve de François de Bourbon-Vendôme, établit à Saint-Gobain une importante verrerie qui a donné naissance à la célèbre manufacture de glaces actuelle, qui produit, en moyenne, environ 200,000 mètres carrés de glaces par an. Le polissage s’en fait à Chauny, qui est uni à Saint-Gobain par une ligne de 15 kilomètres.

Saint-Gobain est la patrie du littérateur Luce de Lancival.



Prémontré. — Prémontré est un petit village de 862 habitants, situé dans la forêt de Saint-Gobain, à 23 kilomètres à l’ouest de Laon et à 8 de Coucy. Il est célèbre par une abbaye d’augustins, fondée, en 1120, par saint Norbert, et qui devint chef d’ordre. Elle avait été établie dans un vallon marécageux dominé par trois collines, sur un terrain cédé par Enguerrand Ier, sire de Coucy, et sur lequel il avait, raconte la légende, tué un lion qui ravageait la contrée. « Tu me l’as de près montré, » avait-il dit à son guide. Mais cette étymologie, consacrée par un bas-relief qui remplissait l’imposte ogivale de la porte du donjon de Coucy, et que l’on a même rétabli dans ces dernières années, est contredite par le bon sens et par la situation de l’abbaye dans le voisinage des trois collines dont nous avons parlé ; præe montibus tribus paraît être la véritable étymologie du nom de ce lieu.

Quoi qu’il en soit, l’abbaye fondée par saint Norbert devint bientôt célèbre, et, moins d’un siècle après sa fondation, on comptait 1,300 communautés d’hommes de cet ordre et 500 de filles. L’histoire de l’abbaye se résume : en temps de guerre, en violences, invasions, incendies ; en temps de paix, en querelles entre les moines et leurs abbés à propos de l’observation de la règle et de l’emploi des revenus, qui, au moment de la Révolution, dépassaient encore 84,000 livres, toutes charges payées. Elle avait été somptueusement reconstruite au XVIIIe siècle vendue comme bien national en 1793, elle fut adjugée à un sabotier ; plus tard, on éta-