Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
LA FRANCE ILLUSTRÉE

Pays-Bas par les ducs de Bourgogne et la maison d’Autriche le met en contact, pendant plusieurs siècles, avec ces implacables adversaires de la France. Au commencement du XVe siècle, les Bourguignons s’emparèrent du Soissonnais et du Laonnais ; ils n’en sont chassés qu’en 1414. En 1557, les Espagnols gagnent contre notre armée la fameuse bataille de Saint-Quentin. Puis, aux guerres étrangères succèdent les guerres civiles de la Réforme, dans lesquelles intervient encore l’Espagnol, et qui ne prennent fin qu’en 1584, après le triomphe définitif de Henri IV et son avènement au trône.

Les derniers frémissements de la féodalité domptée agitèrent encore le pays pendant la minorité de Louis XIII. Les Espagnols, prompts à saisir toute occasion d’affaiblir la France, firent encore à cette époque plusieurs irruptions ; mais Richelieu, dont la main ferme et habile allait prendre le gouvernail, sut forcer l’ennemi à respecter nos frontières et assurer la paix intérieure.

Jusqu’aux guerres de Louis XIV, le pays fut tranquille ; pendant la première partie de ce règne, c’est le sol étranger que foulaient nos armées victorieuses ; mais l’heure des désastres arriva ; l’ennemi envahit à son tour la France ; les troupes impériales pénétrèrent, en 1712, jusqu’aux environs de Laon, et il fallut la victoire de Denain pour sauver la gloire de nos armes et l’intégrité de notre territoire. Le département de l’Aisne devait revoir l’ennemi en 1814 et en 1815 ; la conduite de ses habitants répondit alors à tout ce qu’on pouvait attendre de l’esprit patriotique et national qui avait toujours animé leurs pères ; mais la nature du sol, composé en grande partie de vastes plaines totalement découvertes, le peu de largeur des cours d’eau y permirent, moins qu’ailleurs, la guerre de partisans, dernière ressource ou dernière vengeance des pays envahis. Pour les événements intérieurs, dans le cours de ce dernier siècle, la chronique intime du département est moins riche encore en faits d’une importance générale ; Soissons fut cependant, en 1728, le siège d’un congrès européen qui promettait de terminer tous les différends des grandes puissances, et qui, après plusieurs mois de conférences, n’amena aucun résultat. Il y eut, en 1787, un remaniement administratif et l’essai d’une nouvelle organisation politique ; on décida l’établissement d’une assemblée provinciale pour le Soissonnais, et on créa des chefs-lieux d’élection dans chacune des villes principales qui forment le département actuel, à Soissons, Laon, Château-Thierry, Guise et Saint-Quentin ; cette réforme ne précéda que de quelques années la transformation de la France en départements ; Soissons devait y perdre sa supériorité, et Laon fut choisi pour chef-lieu de l’Aisne, comme point plus central et mieux approprié à la surveillance administrative. Mais le chef-lieu industriel se trouve aujourd’hui à Saint-Quentin, la ville la plus importante du département.

En 1870, le département de l’Aisne fut un des premiers envahis par les armées allemandes ; plusieurs combats s’y livrèrent, notamment aux environs de Saint-Quentin ; il ne fut complètement évacué qu’à la libération du territoire. Les pertes, de toute nature éprouvées par les habitants ; par suite de cette occupation, ont été évaluées à 23 millions 742,839 francs 37 centimes.



HISTOIRE ET DESCRIPTION DES VILLES, BOURGS ET CHÂTEAUX LES PLUS REMARQUABLES.

Laon (lat. 49° 33’ 54" ; long. 1° 17’ 19" E.). — Laon (Bibrax Suessionum, Lugdunum, Laudunum, Clavatum), à 128 kilomètres nord-est de Paris, chef-lieu de préfecture, peuplé de 12,139 habitants, était autrefois le siège d’un évêché dont le titulaire était duc et pair ; la capitale d’une petite province, le Laonnais, qui fit partie tour à tour de la Picardie et de l’Ile-de-France ; relevant de l’intendance de Soissons et du parlement de Paris, mais possédant un gouvernement particulier, avec bailliage, présidial, prévôté, commanderie de Malte, et étant chef-lieu d’élection.

L’étymologie toute celtique du mot Laon, qui signifiait en cette langue élévation, éminence, et qui répond à la situation de la ville, ne permet pas de douter de l’antiquité de son origine. Elle est très certainement antérieure à la domination romaine ; mais il règne une si complète obscurité sur cette époque de ses annales, que, pour nous, son histoire ne peut commencer qu’au IIIe siècle de l’ère chrétienne. C’est dans les archives du christianisme que nous trouvons les premiers documents historiques sur lesquels puisse reposer notre récit. Saint Fortin et saint Béat, envoyés dans les Gaules avec saint Denis, choisirent les environs de Laon pour théâtre de leurs premières prédications ; une grotte appelée Chevresson, et renfermée dans l’enceinte actuelle de la citadelle, servit de retraite à saint Béat, qui y mourut après de longs jours consacrés