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LA FRANCE ILLUSTRÉE

HISTOIRE ET DESCRIPTION DES VILLES, BOURGS ET CHÂTEAUX LES PLUS REMARQUABLES.

Bourg (lat. 46° 12’ 21" ; long. 2° 53’ 28" E.). — Bourg, Bourg-en-Bresse (Tanum, Tamnum, Burgus, Burgum), importante station de la ligne de Paris à Genève, à 478 kilomètres sud-est de Paris, et à 83 kilomètres de Lyon, chef-lieu du département de l’Ain et d’un canton, avec tribunal de première instance, société d’agriculture et d’émulation, lycée, grand séminaire, école normale d’instituteurs et une population de 15,692 habitants, était autrefois la capitale de la province de Bresse, siège d’un gouvernement particulier, avec bailliage, présidial et châtellenie royale, relevant du diocèse de Lyon, du parlement de Paris et faisant partie de la Bourgogne.

Le nom de Bourg, sous lequel est aujourd’hui connue la capitale du département de l’Ain, mot qu’il faut prendre dans son acception naturelle de Burgus, groupe, réunion de maisons, a remplacé deux autres noms qui répondent à des époques peu connues de l’histoire de cette ville. Sur son emplacement habitait, avant et pendant la domination romaine, une peuplade, les Sébusiens (Sebusiani), que l’on a longtemps confondus, à tort, avec les Ségusiens ou Ségusiaves (Segusiani, Segusiavi), cantonnés sur le territoire de Feurs (Loire). On ne sait à la suite de quelles révolutions ce nom serait tombé dans l’oubli ; mais nous voyons plus tard le nom de Tanum lui être substitué comme désignation irrécusable de cette ville, ainsi, vers 900, Furtailler, dans sa légende de saint Gérard, évêque de Mâcon, nous représente son pieux héros prenant la robe d’ermite et se retirant dans la forêt de Brou (prope oppidum Tani, cui Burgo nunc nomen est), « près de la ville de Tanum, qu’on appelle maintenant Bourg. » Ce document prouve donc que le nom de Tanière ou Tenières, qu’a conservé un quartier de la ville, est un souvenir du nom qu’a porté jadis la ville tout entière, et le mot oppidum doit faire supposer que, dès avant cette époque, elle était entourée de murailles. Quant à son importance, elle ne devait pas être fort grande, puisqu’elle ne nous est signalée par aucun fait historique, jusqu’à la possession des ducs de Savoie ; nous renvoyons donc nos lecteurs, pour éviter de fastidieuses répétitions, à l’histoire générale du département, et en particulier à celle de la Bresse, dont Bourg a dû partager le sort pendant cette longue période.

Vers le XIIIe siècle, Bourg commence à conquérir quelques franchises ; Guy II, sire de Beaugé, seigneur de Bresse, et Reynald, son frère, déclarent la ville franche dans des limites désignées et lui accordent plusieurs immunités et privilèges, entre autres celui de chasser et de pêcher dans la châtellenie et de tirer de l’arc et de l’arbalète. Le vainqueur du tir était exempt de tailles pour une année. Guy et Reynald dotèrent en outre Bourg des lois et des avantages dont jouissait Beaugé, leur capitale, et cela moyennant la somme de quinze cents livres tournois que leur payèrent les habitants.

Ces faits témoignent de l’importance que commençait à prendre Bourg assimilé par ses maîtres à leur vieille capitale ; l’avènement de la maison de Savoie, qui succéda à Guy II dans la possession de toute la contrée, fut l’origine d’accroissements bien plus considérables. Un des premiers actes d’Amé IV, le premier comte de Savoie qui régna sur le pays, fut de transporter à Bourg le siège du gouvernement de la province, au grand détriment de Beaugé, qui jamais ne se releva de ce coup et devint ce que nous le voyons aujourd’hui, un pauvre village oublié sous son nom, que le temps n’a pas même respecté, de Bagé-le-Châtel.

C’est véritablement de cette époque que date le rôle de Bourg dans l’histoire ; Édouard IX y convoque ses alliés et y rassemble ses soldats pour l’expédition qu’il entreprend contre le comte de Genève, son neveu. Les principales fondations religieuses dont fut dotée la ville remontent au même temps ; le couvent des cordeliers fut fondé en 1356 par Amé V et par Bonne de Bourbon sa femme ; celui des dominicains, par Sibylle de Beaugé et le comte Émond, son époux. Cet édifice, commencé en 1334, ne fut achevé qu’en 1414, sous cet Amé IX que nous avons vu devenir pape, et auquel Bourg dut encore l’établissement des sœurs de Sainte-Claire et la création d’un ordre de quêteuses connues sous le nom d’Hirondelles de carême, et dont la première directrice fut une sainte fille appelée Colette, qui a été béatifiée. Plusieurs hôpitaux furent construits et dotés par la munificence des comtes de Savoie, on dut aussi au premier duc de cette maison, Amé VII, une extension des privilèges antérieurement accordés, une exemption de lods, droits onéreux sur les héritages qui changeaient de main