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PRÉFACE

ouvrage de la France pittoresque, dont le succès justement populaire fut alors considérable. Cependant, la partie géographique y avait été trop légèrement traitée, les notices historiques n’étaient guère qu’un accusé chronologique des principaux faits, qui, tout en rendant le livre précieux pour les renseignements, en laissaient difficile une lecture suivie. Le livre avait vingt ans de date ! Dans ces vingt années, la France avait été modifiée par les révolutions politiques et par celles de l’industrie et du commerce. On pouvait reprendre, en profitant de l’enseignement du passé, l’œuvre d’André Du Chesne, de Piganiol de La Force, de Peuchet et Chanlaire, de Girault de Saint-Fargeau et d’Abel Hugo. C’est là ce que nous nous disions maintes fois en parcourant, leurs ouvrages à la main, ces vieux châteaux de Foix, de Murols, de Tournoël, du Château- Gaillard, de Coucy, de Josselin, de Fougères, de Pierrefonds, de Gisors, de Conches, de Montlhéry, de Polignac, de Clisson, etc., etc... ; ces admirables cathédrales de Toulouse, de Bordeaux, d’Albi, de Tours, de Rouen, d’Amiens, de Chartres, de Beauvais, de Sens, etc., etc... ; ces vieilles villes de Moret, de Domfront, de Vitré, de Fougères, de Besse, de Pamiers, de Mirepoix, de Laon, de Reims, de Rouen, etc., et ces grands centres où s’élabore la richesse de la France : Rouen, Le Havre, Lille, Marseille, Nantes, Angers, Lyon, Bordeaux, Toulouse, etc., etc.

Nous avons cédé à l’envie, à l’ambition d’une telle entreprise ; et, sourd aux bruits du dehors, aux dernières commotions politiques qui venaient d’agiter si profondément notre pays, nous nous sommes mis à l’œuvre, content de retrouver sous notre plume tant de souvenirs d’un passé qui nous est cher ; car nous lui devons la grandeur de notre pays.

Nous avons mis tous nos soins à traiter consciencieusement ce long et difficile travail, et, plus heureux que beaucoup de nos devanciers, nous avons eu l’honneur de le terminer, favorablement accueilli d’ailleurs par la bienveillance de nos concitoyens, et encouragé par la réimpression de la première moitié de l’ouvrage avant que la seconde fût terminée.

Ce n’est pas à dire que nous nous croyions à l’abri de toute critique. L’œuvre était immense, bien grandes étaient les difficultés de toute nature, les dangers même qui s’offraient à chaque pas ; si nous ne pouvons nous flatter de les avoir vaincues, de les avoir évités, nous avons du moins fait nos efforts pour les atténuer autant que nous le pouvions.

Notre but était de rendre l’ouvrage d’une lecture aisée et instructive, de donner surtout à la partie géographique et historique l’unité qui lui manquait dans les ouvrages précédents ; nous n’avions d’autre ambition que de faire faire un pas de plus à ce genre d’ouvrages descriptifs, que de planter notre jalon un peu en avant de ceux de nos devanciers, laissant à d’autres, après nous, le soin d’atteindre le but, celui d’une bonne description géographique et historique de notre pays : puissions-nous avoir réussi !

V.-A. MALTE-BRUN.
Paris, Juin 1855.