VISITE AUX VIEUX
e la route, il venait de pousser la barrière :
— C’est ici, certainement, dit-il.
Et il avait fait passer la jeune femme devant lui.
— Ah ! que c’est joli ! s’écria-t-elle.
À droite la forêt de la Londe escaladait, rougissante et dorée, le coteau dominé par le château de Robert le diable ; à gauche, le terrain plat s’étendait jusqu’à la Seine large, puissante, aux rives de velours. Entre la forêt et le fleuve, une cour, plantée de pommiers trapus dont les feuilles jaunies filtraient un peu du soleil d’automne, étalait son tapis d’herbe grasse sillonné de sentiers et coupé par une petite rivière qui sort mystérieusement du pied de la colline. Moins paisible que la grande onde qui passe plus loin, elle file à plein bord, frémissante, hâtée, et sur son passage sert de miroir à des saules.
De l’entrée, ils pouvaient suivre son cours indépendant, la voir s’arrondir devant un bâtiment sans étage, une espèce de cellier au porche en arceaux enguirlandés de vigne vierge couleur de rose, puis continuer plus loin mordant la prairie de son eau vive qui luisait là-bas sous des coups de soleil.
— Tu as raison, c’est bien ici. Tout y est : la forêt d’un côté, la rivière, les gros pommiers de l’autre, les poules, les haies et, en avançant, nous allons sans doute apercevoir la maison.
Mais, ils avancèrent sans se presser, amusés par la limpidité de la rivière pailletée de jeunes truites, admirant les saules qui semaient leur fin feuillage, les premiers rouges-gorges dans les pommiers.
Anthologie contemporaineVol. 36. Série III (no 12).