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en m’accompagnant de ma harpe je chantai deux chansonnettes. Pour être sincère je dois déclarer que les applaudissements que je recueillis furent assez rares.

Je n’ai jamais eu un bien grand amour-propre du comédien, mais dans cette circonstance, la froideur du public me désola. Assurément si je ne lui plaisais pas, il n’ouvrirait pas sa bourse. Ce n’était pas pour la gloire que je chantais, c’était pour le pauvre Joli-Cœur. Ah ! comme j’aurais voulu le toucher, ce public, l’enthousiasmer, lui faire perdre la tête ; mais autant que je pouvais voir dans cette halle pleine d’ombres bizarres, il me semblait que je l’intéressais fort peu et qu’il ne m’acceptait pas comme un prodige.

Capi fut plus heureux ; on l’applaudit à plusieurs reprises, et à pleines mains.

La représentation continua : grâce à Capi elle se termina au milieu des bravos, non-seulement on claquait des mains, mais encore on trépignait des pieds.

Le moment décisif était arrivé. Pendant que sur la scène, accompagné par Vitalis, je dansais un pas espagnol, Capi, la sébile à la gueule, parcourait tous les rangs de l’assemblée.

Ramasserait-il les quarante francs ? c’était la question qui me serrait le cœur, tandis que je souriais au public avec mes mines les plus agréables.

J’étais à bout de souffle et je dansais toujours, car je ne devais m’arrêter que lorsque Capi serait revenu : il ne se pressait point, et quand on ne lui donnait