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été égorgés et emportés, pour être dévorés à loisir dans quelque hallier épineux.

D’ailleurs, nous devions nous occuper au plus vite de réchauffer Joli-Cœur.

Nous rentrâmes dans la cabane ; et, tandis que Vitalis lui présentait les pieds et les mains au feu, comme on fait pour les petits enfants, je chauffai bien sa couverture et nous l’enveloppâmes dedans.

Mais ce n’était pas seulement une couverture qu’il fallait : c’était encore un bon lit bassiné, c’était surtout une boisson chaude, et nous n’avions ni l’un ni l’autre ; heureux encore d’avoir du feu.

Nous nous étions assis, mon maître et moi, autour du foyer, sans rien dire, et nous restions là, immobiles, regardant le feu brûler.

– Pauvre Zerbino, pauvre Dolce, pauvres amis !

C’étaient les paroles que tous deux nous murmurions chacun de notre côté, ou tout au moins les pensées de nos cœurs.

Ils avaient été nos camarades, nos compagnons de bonne et mauvaise fortune, et pour moi, pendant mes jours de détresse et de solitude, mes amis, presque mes enfants.

Je ne pouvais m’innocenter : si j’avais fait bonne garde comme je le devais, si je ne m’étais pas endormi, ils ne seraient pas sortis, et les loups ne seraient pas venus nous attaquer dans notre cabane, ils auraient été retenus à distance, effrayés par le feu.

J’aurais voulu que Vitalis me grondât, me battît.

Mais il ne me disait rien, il ne me regardait même