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– Ainsi vous n’avez jamais eu peur de mourir de faim ?

– Jamais : non seulement nous avons gagné notre vie, mais encore nous avons gagné de quoi acheter une vache, dit Mattia avec assurance.

À son tour il raconta l’acquisition de notre vache.

– Vous avez donc bien du talent ? demanda mon père ; montrez-moi un peu de quoi vous êtes capables.

Je pris ma harpe et jouai un air, mais ce ne fut pas ma chanson napolitaine.

– Bien, bien, dit mon père, et Mattia que sait-il ? Mattia aussi joua un morceau de violon et un autre de cornet à piston.

Ce fut ce dernier qui provoqua les applaudissements des enfants, qui nous écoutaient rangés en cercle autour de nous.

– Et Capi ? demanda mon père, de quoi joue-t-il ? Je ne pense pas que c’est pour votre seul agrément que vous traînez un chien avec vous ; il doit être en état de gagner au moins sa nourriture.

J’étais fier des talents de Capi, non-seulement pour lui, mais encore pour Vitalis ; je voulus qu’il jouât quelques-uns des tours de son répertoire, et il obtint auprès des enfants son succès accoutumé.

– Mais c’est une fortune ce chien-là, dit mon père.

Je répondis à ce compliment en faisant l’éloge de Capi et en assurant qu’il était capable d’apprendre en peu de temps tout ce qu’on voulait bien lui montrer, même ce que les chiens ne savaient pas faire ordinairement.