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présentations avaient été fructueuses ; notre répertoire était réglé de telle sorte que nous pouvions rester plusieurs jours dans le même pays sans trop nous répéter ; enfin nous nous entendions si bien, Mattia et moi, que nous étions déjà ensemble comme deux frères.

– Tu sais, disait-il quelquefois en riant, un chef de troupe comme toi qui ne cogne pas, c’est trop beau.

– Alors, tu es content ?

– Si je suis content ! c’est-à-dire que voilà le premier temps de ma vie, depuis que j’ai quitté le pays, où je ne regrette pas l’hôpital.

Cette situation prospère m’inspira des idées ambitieuses.

Après avoir quitté Corbeil, nous nous étions dirigés sur Montargis, en route pour aller chez mère Barberin.

Aller chez mère Barberin pour l’embrasser c’était m’acquitter de ma dette de reconnaissance envers elle, mais c’était m’en acquitter bien petitement et à trop bon marché.

Si je lui portais quelque chose.

Maintenant que j’étais riche, je lui devais un cadeau.

Il y en avait un qui plus que tout la rendrait heureuse, non seulement dans l’heure présente, mais pour toute sa vieillesse, – une vache, qui remplaçât la pauvre Roussette.

Quelle joie pour mère Barberin, si je pouvais lui donner une vache, et aussi quelle joie pour moi !