Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
SANS FAMILLE

— Si c’est vrai, pourquoi voulez-vous qu’on nous abandonne ?

— Nous n’entendons rien.

— Il est vrai que nous n’entendons rien. Mais ici pouvons-nous entendre ? Qui sait cela ? pas moi. Et puis encore quand nous pourrions entendre, et qu’il serait prouvé qu’on ne travaille pas, cela prouverait-il en même temps qu’on nous abandonne ? Est-ce que nous savons comment la catastrophe est arrivée ? Si c’est un tremblement de terre, il y a du travail dans la ville pour ceux qui ont échappé. Si c’est seulement une inondation, comme j’en ai l’idée, il faut savoir dans quel état sont les puits. Peut-être se sont-ils effondrés ? la galerie de la lampisterie a pu s’écrouler. Il faut le temps d’organiser le sauvetage. Je ne dis pas que nous serons sauvés, mais je suis sûr qu’on travaille à nous sauver.

Il dit cela d’un ton énergique qui devait convaincre les plus incrédules et les plus effrayés.

Cependant Bergounhoux répliqua :

— Et si l’on nous croit tous morts ?

— On travaille tout de même, mais si tu as peur de cela, prouvons-leur que nous sommes vivants ; frappons contre la paroi aussi fort que nous pourrons ; vous savez comme le son se transmet à travers la terre ; si l’on nous entend, on saura qu’il faut se hâter, et notre bruit servira à diriger les recherches.

Sans attendre davantage, Bergounhoux, qui était chaussé de grosses bottes, se mit à frapper avec force comme pour le rappel des mineurs, et ce bruit, l’idée surtout qu’il éveillait en nous, nous tira de notre en-