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SANS FAMILLE

ne verrais donc plus Arthur, ni madame Milligan, ni Mattia ? Pourrait-on jamais faire comprendre à Lise que j’étais mort pour elle ? Et mère Barberin, pauvre mère Barberin ! Mes pensées s’enchaînaient ainsi toutes plus lugubres les unes que les autres ; et quand je regardais mes camarades pour me distraire et que je les voyais tout aussi accablés, tout aussi anéantis que moi, je revenais à mes réflexions plus triste et plus sombre encore. Eux cependant ils étaient habitués à la vie de la mine, et par là, ils ne souffraient pas du manque d’air, de soleil, de liberté ; la terre ne pesait pas sur eux.

Tout à coup, au milieu du silence, la voix de l’oncle Gaspard s’éleva :

— M’est avis, dit-il, qu’on ne travaille pas à notre sauvetage.

— Pourquoi penses-tu ça ?

— Nous n’entendons rien.

— Toute la ville est détruite, c’était un tremblement de terre.

— Ou bien dans la ville on croit que nous sommes tous perdus et qu’il n’y a rien à faire pour nous.

— Alors nous sommes donc abandonnés ?

— Pourquoi pensez-vous cela de vos camarades ? interrompit le magister, ce n’est pas juste de les accuser. Vous savez bien que quand il y a des accidents les mineurs ne s’abandonnent pas les uns les autres ; et que vingt hommes, cent hommes se feraient plutôt tuer que de laisser un camarade sans secours. Vous savez cela, hein ?

— C’est vrai.