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SANS FAMILLE

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— Et un homme de courage.

— Et un homme qui en sait long.

— Il ne faut pas te souvenir des moqueries, magister.

Je n’avais pas alors l’expérience que j’ai acquise plus tard, et j’étais dans un grand étonnement de voir combien ceux-là même qui, quelques heures auparavant, n’avaient pas assez de plaisanteries pour accabler le magister, lui reconnaissaient maintenant des qualités : je ne savais pas comme les circonstances peuvent tourner les opinions et les sentiments de certains hommes.

— C’est juré ? dit le magister.

— Juré, répondîmes-nous tous ensemble.

Alors on se mit au travail : tous, nous avions des couteaux dans nos poches, de bons couteaux, le manche solide, la lame résistante.

— Trois entameront la remontée, dit le magister, les trois plus forts ; et les plus faibles : Rémi, Carrory, Pagès et moi, nous rangerons les déblais.

— Non, pas toi, interrompit Compayrou qui était un colosse, il ne faut pas que tu travailles, magister, tu n’es pas assez solide ; tu es l’ingénieur : les ingénieurs ne travaillent pas des bras.

Tout le monde appuya l’avis de Compayrou, disant que puisque le magister était notre ingénieur, il ne devait pas travailler ; on avait si bien senti l’utilité de la direction du magister que volontiers on l’eût mis dans du coton pour le préserver des dangers et des accidents : c’était notre pilote.

Le travail que nous avions à faire eût été des plus simples si nous avions eu des outils, mais avec des