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SANS FAMILLE

ment fut l’épouvante, et je pensai à me sauver en gagnant les échelles ; mais on s’était déjà moqué de moi si souvent pour mes frayeurs, que la honte me fit rester. C’était une explosion de mine ; une benne qui tombait dans le puits ; peut-être tout simplement des remblais qui descendaient par les couloirs.

Tout à coup un peloton de rats me passa entre les jambes en courant comme un escadron de cavalerie qui se sauve ; puis il me sembla entendre un frôlement étrange contre le sol et les parois de la galerie avec un clapotement d’eau. L’endroit où je m’étais arrêté étant parfaitement sec, ce bruit d’eau était inexplicable.

Je pris ma lampe pour regarder, et la baissai sur le sol.

C’était bien l’eau ; elle venait du côté du puits, remontant la galerie. Ce bruit formidable, ce grondement, étaient donc produits par une chute d’eau qui se précipitait dans la mine.

Abandonnant ma benne sur les rails, je courus au chantier.

— Oncle Gaspard, l’eau est dans la mine !

— Encore des bêtises !

— Il s’est fait un trou sous la Divonne ; sauvons-nous !

— Laisse-moi tranquille !

— Écoutez donc.

Mon accent était tellement ému que l’oncle Gaspard resta le pic suspendu pour écouter ; le même bruit continuait toujours plus fort, plus sinistre. Il n’y avait pas à s’y tromper, c’était l’eau qui se précipitait.