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SANS FAMILLE

Pendant notre voyage il avait été la bonne humeur et le rire, prenant tout par le bon côté, s’amusant de tout, heureux d’un rien, tournant au bon ce qui était mauvais. Que serais-je devenu sans lui ? Combien de fois la fatigue et la mélancolie ne m’eussent-elles pas accablé ?

Cette différence entre nous deux tenait sans doute à notre caractère et à notre nature, mais aussi à notre origine, à notre race.

Il était Italien et il avait une insouciance, une amabilité, une facilité pour se plier aux difficultés sans se fâcher ou se révolter, que n’ont pas les gens de mon pays, plus disposés à la résistance et à la lutte.

— Quel est donc ton pays ? me direz-vous, tu as donc un pays ?

Il sera répondu à cela plus tard ; pour le moment j’ai voulu dire seulement que Mattia et moi nous ne nous ressemblions guère, ce qui fait que nous nous accordions si bien ; même quand je le faisais travailler pour apprendre ses notes et pour apprendre à lire. La leçon de musique, il est vrai, avait toujours marché facilement, mais pour la lecture il n’en avait pas été de même, et des difficultés auraient très-bien pu s’élever entre nous, car je n’avais ni la patience ni l’indulgence de ceux qui ont l’habitude de l’enseignement. Cependant ces difficultés ne surgirent jamais, et même quand je fus injuste, ce qui m’arriva plus d’une fois, Mattia ne se fâcha point.

Il fut donc entendu que pendant que je descendrais le lendemain dans la mine, Mattia s’en irait donner des représentations musicales et dramatiques, de