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SANS FAMILLE

Et il se mit à rire aux éclats ; mais bientôt reprenant son sérieux :

— Bien sûr que tu le pourrais si tu le voulais.

— Je le veux, puisque cela peut vous servir.

— Tu es un bon garçon et c’est dit : demain tu descendras avec moi dans la mine ; c’est vrai que tu me rendras service ; mais cela te sera peut-être utile à toi-même ; si tu prenais goût au métier, cela vaudrait mieux que de courir les grands chemins ; il n’y a pas de loups à craindre dans la mine.

Que ferait Mattia pendant que je serais dans la mine ? je ne pouvais pas le laisser à la charge de l’oncle Gaspard.

Je lui demandai s’il ne voulait pas s’en aller tout seul avec Capi donner des représentations dans les environs, et il accepta tout de suite.

— Je serai très-content de te gagner tout seul de l’argent pour la vache, dit-il en riant.

Depuis trois mois, depuis que nous étions ensemble et qu’il vivait en plein air, Mattia ne ressemblait plus au pauvre enfant chétif et chagrin que j’avais retrouvé appuyé contre l’église Saint-Médard, mourant de faim, et encore moins à l’avorton que j’avais vu pour la première fois dans le grenier de Garofoli, soignant le pot-au-feu et prenant de temps en temps sa tête endolorie dans ses deux mains.

Il n’avait plus mal à la tête, Mattia ; il n’était plus chagrin, il n’était même plus chétif : c’était le grenier de la rue de Lourcine qui l’avait rendu triste, le soleil et le plein air, en lui donnant la santé, lui avaient donné la gaîté.