Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
SANS FAMILLE

L’oncle Gaspard avait pour caractère de prendre la vie comme elle venait, sans chagrin comme sans colère, il n’y avait qu’une chose qui pouvait le faire se départir de sa bonhomie ordinaire : — un empêchement à son travail.

Quand il entendit dire qu’Alexis était condamné au repos pour plusieurs jours, il poussa les hauts cris : qui roulerait sa benne pendant ces jours de repos ? il n’avait personne pour remplacer Alexis ; s’il s’agissait de le remplacer tout à fait il trouverait bien quelqu’un, mais pendant quelques jours seulement cela était en ce moment impossible ; on manquait d’hommes, ou tout au moins d’enfants.

Il se mit cependant en course pour chercher un rouleur, mais il rentra sans en avoir trouvé un.

Alors il recommença ses plaintes : il était véritablement désolé, car il se voyait, lui aussi, condamné au repos, et sa bourse ne lui permettait pas sans doute de se reposer.

Voyant cela et comprenant les raisons de sa désolation ; d’autre part, sentant que c’était presque un devoir en pareille circonstance de payer à ma manière l’hospitalité qui nous avait été donnée, je lui demandai si le métier de rouleur était difficile.

— Rien n’est plus facile ; il n’y a qu’à pousser un wagon qui roule sur des rails.

— Il est lourd, ce wagon ?

— Pas trop lourd, puisqu’Alexis le poussait bien.

— C’est juste ! Alors si Alexis le poussait bien, je pourrais le pousser aussi.

— Toi, garçon ?