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SANS FAMILLE

gnait pas, ou bien s’il faisait une observation, c’était tout doucement.

— Si je ne deviens pas biberon, disait-il en tendant son verre, c’est que j’ai de la vertu ; tâche donc de nous faire une soupe pour demain.

— Et le temps ?

— Il est donc plus court sur la terre que dessous ?

— Et qui est-ce qui vous raccommodera ? vous dévastez tout.

Alors regardant ses vêtements souillés de charbon et déchirés çà et là :

— Le fait est que nous sommes mis comme des princes.

Notre souper ne dura pas longtemps.

— Garçon, me dit l’oncle Gaspard, tu coucheras avec Alexis.

Puis, s’adressant à Mattia :

— Et toi, si tu veux venir dans le fournil, nous allons voir à te faire un bon lit de paille et de foin.

La soirée et une bonne partie de la nuit ne furent point employées par Alexis et par moi à dormir.

L’oncle Gaspard était piqueur, c’est-à-dire qu’au moyen d’un pic, il abattait le charbon dans la mine ; Alexis était son rouleur, c’est-à-dire qu’il poussait, qu’il roulait sur des rails dans l’intérieur de la mine, depuis le point d’extraction jusqu’à un puits, un wagon nommé benne, dans lequel on entassait le charbon abattu ; arrivée à ce puits, la benne était accrochée à un câble qui, tiré par la machine, la montait jusqu’en haut.