Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
SANS FAMILLE

d’immenses bolides, des marteaux-pilons qui lancent autour d’eux des pluies d’étincelles, et partout, toujours des pistons de machines à vapeur qui s’élèvent et s’abaissent régulièrement. Pas de monuments, pas de jardins, pas de statues sur les places ; tout se ressemble et a été bâti sur le même modèle, le cube : les églises, le tribunal, les écoles, des cubes percés de plus ou moins de fenêtres, selon les besoins.

Quand nous arrivâmes aux environs de Varses, il était deux ou trois heures de l’après-midi, et un soleil radieux brillait dans un ciel pur ; mais à mesure que nous avancions le jour s’obscurcit ; entre le ciel et la terre s’était interposé un épais nuage de fumée qui se traînait lourdement en se déchirant aux hautes cheminées ; depuis plus d’une heure, nous entendions de puissants ronflements, un mugissement semblable à celui de la mer avec des coups sourds, — les ronflements étaient produits par les ventilateurs, les coups sourds par les martinets et les pilons.

Je savais que l’oncle d’Alexis était ouvrier mineur à Varses, qu’il travaillait à la mine de la Truyère, mais c’était tout ; demeurait-il à Varses même ou aux environs ? Je l’ignorais.

En entrant dans Varses, je demandai où se trouvait la mine de la Truyère, et l’on m’envoya sur la rive gauche de la Divonne, dans un petit vallon traversé par le ravin qui a donné son nom à la mine.

Si l’aspect de la ville est peu séduisant, l’aspect de ce vallon est tout à fait lugubre ; un cirque de collines dénudées, sans arbres, sans herbes, avec de longues traînées de pierres grises que cou-