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SANS FAMILLE

— Avec joie, car c’est elle qui a rendu la parole à Lise.

Et nous prenons nos instruments : dans une belle boîte doublée en velours, Mattia atteint un vieux violon qui vaudrait bien deux francs si nous voulions le vendre, et moi je retire de son enveloppe une harpe dont le bois lavé par les pluies a repris sa couleur naturelle.

On fait cercle autour de nous, mais à ce moment un chien, un caniche, Capi se présente ; il est bien vieux, le bon Capi, il est sourd, mais il a gardé une bonne vue ; du coussin sur lequel il habite il a reconnu sa harpe et il arrive en clopinant « pour la représentation, » il tient une soucoupe dans sa gueule ; il veut faire le tour « de l’honorable société » en marchant sur ses pattes de derrière, mais la force lui manque, alors il s’assied et saluant gravement « la société » il met une patte sur son cœur.

Notre chanson chantée, Capi se relève tant bien que mal « et fait la quête » ; chacun met son offrande dans la soucoupe, et Capi, émerveillé de la recette, me l’apporte. C’est la plus belle qu’il ait jamais faite, il n’y a que des pièces d’or et d’argent : — 170 francs.

Je l’embrasse sur le nez comme autrefois, quand il me consolait, et ce souvenir des misères de mon enfance me suggère une idée que j’explique aussitôt :

— Cette somme sera la première mise destinée à fonder une maison de secours et de refuge pour les petits musiciens des rues ; ma mère et moi nous ferons le reste.

— Chère madame, dit Mattia en baisant la main de