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SANS FAMILLE

son cornet à piston, nous n’aurions jamais amassé 128 francs, Capi et moi.

De Varses à Chavanon nous gagnerions bien certainement les 22 francs qui nous manquaient.

Varses où nous arrivions était, il y a une centaine d’années, un pauvre village perdu dans les montagnes et connu seulement par cela qu’il avait souvent servi de refuge aux Enfants de Dieu, commandés par Jean Cavalier. Sa situation au milieu des montagnes en avait fait un point important dans la guerre des Camisards ; mais cette situation même avait par contre fait sa pauvreté. Vers 1750, un vieux gentilhomme qui avait la passion des fouilles, découvrit à Varses des mines de charbon de terre, et depuis ce temps, Varses est devenu un des bassins houillers qui, avec Alais, Saint-Gervais, Bessèges approvisionnent le Midi et tendent à disputer le marché de la Méditerranée aux charbons anglais. Lorsqu’il avait commencé ses recherches, tout le monde s’était moqué de lui, et lorsqu’il était parvenu à une profondeur de 150 mètres sans avoir rien trouvé, on avait fait des démarches actives pour qu’il fût enfermé comme fou, sa fortune devant s’engloutir dans ces fouilles insensées : Varses renfermait dans son territoire des mines de fer ; on n’y trouvait pas, on n’y trouverait jamais du charbon de terre. Sans répondre, et pour se soustraire aux criailleries, le vieux gentilhomme s’était établi dans son puits et n’en était plus sorti ; il y mangeait, il y couchait, et il n’avait à subir ainsi que les doutes des ouvriers qu’il employait avec lui ; à chaque coup de pioche ceux-ci haussaient les épaules, mais excités