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SANS FAMILLE

Nous nous regardons Mattia et moi interdits. En Égypte ! Nous ne savons pas au juste ce que c’est que l’Égypte, et où se trouve ce pays, mais vaguement nous pensons que c’est loin, très-loin, quelque part au delà des mers.

— Et Lise ? Vous connaissez Lise ?

— Pardi : Lise est partie en bateau avec une dame anglaise.

Lise sur le Cygne ! Rêvons-nous ?

La femme se charge de nous répondre que nous sommes dans la réalité.

— C’est vous Rémi ? me demande-t-elle.

— Oui.

— Eh bien, quand Suriot a été noyé, nous dit-elle.

— Noyé !

— Noyé dans l’écluse. Ah ! vous ne saviez pas que Suriot était tombé à l’eau et qu’étant passé sous une péniche, il était resté accroché à un clou : c’est le métier qui veut ça trop souvent. Pour lors, quand il a été noyé, Catherine s’est trouvée bien embarrassée quoiqu’elle fût une maîtresse femme. Mais que voulez-vous, quand l’argent manque, on ne peut pas le fabriquer du jour au lendemain ; et l’argent manquait. Il est vrai qu’on offrait à Catherine d’aller en Égypte pour élever les enfants d’une dame dont elle avait été la nourrice, mais ce qui la gênait c’était sa nièce, la petite Lise. Comme elle était à se demander ce qu’il fallait faire, voilà qu’un soir s’arrête à l’écluse une dame anglaise qui promenait son garçon malade. On cause. Et la dame anglaise qui cherchait un enfant pour jouer avec son fils qui s’ennuyait tout seul sur