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SANS FAMILLE

me doutais bien que cela serait ainsi ; quand nous étions en voiture je regardais les arbres dont le vent secouait la cime, et je me disais que sur la mer nous allions danser : ça danse.

À ce moment la porte de notre cabine fut ouverte :

— Si vous voulez monter sur le pont, nous dit le frère de Bob, il n’y a plus de danger.

— Où est-on moins malade ? demanda Mattia.

— Couché.

— Je vous remercie, je reste couché.

Et il s’allongea sur les planches.

— Le mousse va vous apporter ce qui vous sera nécessaire, dit le capitaine.

— Merci ; s’il peut n’être pas trop longtemps à venir, cela sera à propos, répondit Mattia.

— Déjà ?

— Il y a longtemps que c’est commencé.

Je voulus rester près de lui, mais il m’envoya sur le pont en me répétant :

— Cela ne fait rien, tu es sauvé ; mais c’est égal, je ne me serais jamais imaginé que cela me ferait plaisir d’avoir le mal de mer.

Arrivé sur le pont, je ne pus me tenir debout qu’en me cramponnant solidement à un cordage : aussi loin que la vue pouvait s’étendre dans les profondeurs de la nuit, on ne voyait qu’une nappe blanche d’écume, sur laquelle notre petit navire courait, incliné comme s’il allait chavirer, mais il ne chavirait point, au contraire il s’élevait légèrement, bondissant sur les vagues, porté, poussé par le vent d’ouest.