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SANS FAMILLE

là, même quand on est acquitté ; moi je n’ai osé rien dire, parce qu’avec mon idée fixe de t’emmener en France, j’ai peur que cette idée ne me conseille mal.

— Tu as bien fait ; et quoi qu’il arrive je n’aurai que de la reconnaissance pour vous.

— Il n’arrivera rien, va, sois tranquille. À l’arrêt du train ton policeman aura fait son rapport ; mais avant qu’on organise les recherches il s’est écoulé du temps, et nous, nous avons galopé ; et puis ils ne peuvent pas savoir que c’est à Littlehampton que nous allons nous embarquer.

Il était certain que si on n’était pas sur notre piste, nous avions la chance de nous embarquer sans être inquiétés ; mais je n’étais pas comme Mattia, assuré qu’après l’arrêt du train le policeman avait perdu du temps pour nous poursuivre ; là était le danger, et il pouvait être grand.

Cependant notre cheval, vigoureusement conduit par Bob, continuait de détaler grand train sur la route déserte ; de temps en temps seulement nous croisions quelques voitures, aucune ne nous dépassait : les villages que nous traversions étaient silencieux et rares étaient les fenêtres où se montrait une lumière attardée ; seuls quelques chiens faisaient attention à notre course rapide et nous poursuivaient de leurs aboiements ; quand après une montée un peu rapide Bob arrêtait son cheval pour le laisser souffler, nous descendions de voiture et nous nous collions la tête sur la terre pour écouter, mais Mattia lui-même, qui avait l’oreille plus fine que nous, n’entendait aucun