Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/378

Cette page a été validée par deux contributeurs.
370
SANS FAMILLE

pour lui donner à manger ; mais pour cela nous n’entrâmes pas dans une auberge ; Bob s’arrêta en plein bois, débrida son cheval et lui passa au cou une musette pleine d’avoine qu’il prit dans la voiture ; la nuit était noire ; il n’y avait pas grand danger d’être surpris.

Alors je pus m’entretenir avec Bob, et le remercier par quelques paroles de reconnaissance émue ; mais il ne me laissa pas lui dire tout ce que j’avais dans le cœur :

— Vous m’avez obligé, répondit-il en me donnant une poignée de main, aujourd’hui je vous oblige, chacun son tour ; et puis vous êtes le frère de Mattia ; et pour un bon garçon comme Mattia, on fait bien des choses.

Je lui demandai si nous étions éloignés de Littlehampton ; il me répondit que nous en avions encore pour plus de deux heures, et qu’il fallait nous hâter, parce que le bateau de son frère partait tous les samedis pour Isigny, et qu’il croyait que la marée avait lieu de bonne heure ; or, nous étions le vendredi.

Nous reprîmes place sur la paille, sous la bâche, et le cheval reposé partit grand train.

— As-tu peur ? me demanda Mattia.

— Oui et non ; j’ai très-peur d’être repris ; mais il me semble qu’on ne me reprendra pas : se sauver, n’est-ce pas avouer qu’on est coupable ? Voilà surtout ce qui me tourmente : que dire pour ma défense ?

— Nous avons bien pensé à cela, mais Bob a cru qu’il fallait tout faire pour que tu ne paraisses pas sur le banc des assises ; cela est si triste d’avoir passé