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SANS FAMILLE

avait sauté sur moi et il me léchait en pleurant.

— Mais le voilà, dit Mattia, nous l’avons fait teindre.

Je rendis au bon Capi ses caresses, et je l’embrassai.

— Pourquoi l’as-tu teint ? dis-je.

— C’est une histoire, je vais te la conter.

Mais Bob ne permit pas ce récit.

— Conduis le cheval, dit-il à Mattia, et tiens-le bien ; pendant ce temps-là je vais arranger la voiture pour qu’on ne la reconnaisse pas aux barrières.

Cette voiture était une carriole recouverte d’une bâche en toile posée sur des cerceaux ; il allongea les cercles dans la voiture et ayant plié la bâche en quatre, il me dit de m’en couvrir ; puis, il renvoya Mattia en lui recommandant de se cacher sous la toile ; par ce moyen la voiture changeait entièrement d’aspect, elle n’avait plus de bâche et elle ne contenait qu’une personne au lieu de trois : si on courait après nous, le signalement, que les gens qui voyaient passer cette carriole donneraient, dérouterait les recherches.

— Où allons-nous ? demandai-je à Mattia lorsqu’il se fut allongé à côté de moi.

— À Littlehampton : c’est un petit port sur la mer, où Bob a un frère qui commande un bateau faisant les voyages de France pour aller chercher du beurre et des œufs en Normandie, à Isigny ; si nous nous sauvons, — et nous nous sauverons, — ce sera à Bob que nous le devrons : il a tout fait ; qu’est-ce que j’aurais pu faire pour toi, moi, pauvre misérable ! C’est Bob qui a eu l’idée de te faire sauter du train, de te souffler mon billet, et c’est lui qui a décidé ses camarades à nous prêter ce cheval ; enfin