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SANS FAMILLE

voici une vache que je vous amène. — Une vache ! vous vous trompez, mon garçon. — Et elle soupirait. — Non, madame, vous êtes bien madame Barberin, de Chavanon ? Eh bien ! c’est chez madame Barberin que le prince (comme dans les contes de fées) m’a dit de conduire cette vache qu’il vous offre. — Quel prince ? — Alors je paraissais, je me jetais dans les bras de mère Barberin, et après nous être bien embrassés, nous faisions des crêpes et des beignets, qui étaient mangés par nous trois et non par Barberin, comme en ce jour de mardi-gras où il était revenu pour renverser notre poêle et mettre notre beurre dans sa soupe à l’oignon.

Quel beau rêve ! Seulement, pour le réaliser, il fallait pouvoir acheter une vache.

Combien cela coûtait-il, une vache ? Je n’en avais aucune idée ; cher, sans doute, très-cher, mais encore ?

Ce que je voulais, ce n’était pas une trop grande, une trop grosse vache. D’abord parce que plus les vaches sont grosses, plus leur prix est élevé ; puis ensuite, plus les vaches sont grandes, plus il leur faut de nourriture, et je ne voulais pas que mon cadeau devînt une cause d’embarras pour mère Barberin.

L’essentiel pour le moment c’était donc de connaître le prix des vaches, ou plutôt d’une vache telle que j’en voulais une.

Heureusement, cela n’était pas difficile pour moi, et dans notre vie sur les grands chemins, dans nos soirées à l’auberge, nous nous trouvions en relations avec des conducteurs et des marchands de bestiaux :