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SANS FAMILLE

Aussitôt que la nuit fut tombée, je me couchai dans mon hamac et je tâchai de m’endormir ; j’entendis plusieurs heures sonner successivement aux horloges voisines, puis à la fin le sommeil me prit et m’emporta sur ses ailes.

Quand je m’éveillai la nuit était épaisse, les étoiles brillaient dans le sombre azur, et l’on n’entendait aucun bruit ; sans doute le jour était loin encore. Je revins m’asseoir sur mon banc, n’osant pas marcher de peur d’appeler l’attention si par hasard on faisait une ronde et j’attendis. Bientôt une horloge sonna trois coups : je m’étais éveillé trop tôt ; cependant je n’osai pas me rendormir, et d’ailleurs je crois bien que quand même je l’aurais voulu, je ne l’aurais pas pu : j’étais trop fiévreux, trop angoissé.

Ma seule occupation était de compter les sonneries des horloges ; mais combien me paraissaient longues les quinze minutes qui s’écoulaient entre l’heure et le quart, entre le quart et la demie ; si longues que parfois je m’imaginais que j’avais laissé l’horloge sonner sans l’entendre ou qu’elle était détraquée.

Appuyé contre la muraille, je tenais mes yeux fixés sur la fenêtre ; il me sembla que l’étoile que je suivais perdait de son éclat et que le ciel blanchissait faiblement.

C’était l’approche du jour ; au loin des coqs chantèrent.

Je me levai, et, marchant sur la pointe des pieds, j’allai ouvrir ma fenêtre ; ce fut un travail délicat de l’empêcher de craquer, mais enfin, en m’y prenant avec douceur, et surtout avec lenteur, j’en vins à bout.