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SANS FAMILLE

vraie famille, quel chagrin pour elle, quelle honte pour toi, si tu as été condamné. Et puis ce n’est pas quand nous serons en prison que nous pourrons chercher ta famille et la découvrir. Ce n’est pas quand nous serons en prison que nous pourrons avertir madame Milligan de ce que M. James Milligan prépare contre Arthur. Sauvons-nous donc pendant qu’il en est temps encore.

— Sauve-toi.

— Tu dis toujours la même bêtise ; nous nous sauverons ensemble ou nous serons pris ensemble ; et quand nous le serons, ce qui ne tardera pas, tu auras la responsabilité de m’avoir entraîné avec toi, et tu verras si elle te sera légère. Si tu étais utile à ceux auprès de qui tu t’obstines à rester, je comprendrais ton obstination ; cela serait beau ; mais tu ne leur es pas du tout indispensable ; ils vivaient bien, ils vivront bien sans toi. Partons au plus vite.

— Eh bien ! laisse-moi encore quelques jours de réflexion, et puis nous verrons.

— Dépêche-toi. L’ogre sentait la chair fraîche, moi je sens le danger.

Jamais les paroles, les raisonnements, les prières de Mattia ne m’avaient si profondément troublé, et quand je me les rappelais, je me disais que l’irrésolution dans laquelle je me débattais était lâche et que je devais prendre un parti en me décidant enfin à savoir ce que je voulais.

Les circonstances firent ce que de moi-même je n’osais faire.

Il y avait plusieurs semaines déjà que nous avions