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SANS FAMILLE

ment, alors que je n’avais rien fait pour mériter cette indifférence ou cette dureté.

Quand Mattia me voyait sous l’influence de ces tristes pensées, il devinait très-bien ce qui les provoquait, et alors il me disait, comme s’il se parlait à lui-même :

— Je suis curieux de voir ce que mère Barberin va te répondre.

Pour avoir cette lettre qui devait m’être adressée « poste restante », nous avions changé notre itinéraire de chaque jour, et au lieu de gagner Holborn par West-Smith-Field, nous descendions jusqu’à la poste. Pendant assez longtemps, nous fîmes cette course inutilement, mais à la fin, cette lettre si impatiemment attendue nous fut remise.

L’hôtel général des postes n’est point un endroit favorable à la lecture ; nous gagnâmes une allée dans une ruelle voisine, ce qui me donna le temps de calmer un peu mon émotion, et là enfin, je pus ouvrir la lettre de mère Barberin, c’est-à-dire la lettre qu’elle avait fait écrire par le curé de Chavanon :

« Mon petit Rémi,

« Je suis bien surprise et bien fâchée de ce que ta lettre m’apprend, car selon ce que mon pauvre Barberin m’avait toujours dit aussi bien après t’avoir trouvé avenue de Breteuil, qu’après avoir causé avec la personne qui te cherchait, je pensais que tes parents étaient dans une bonne et même dans une grande position de fortune.

« Cette idée m’était confirmée par la façon dont tu