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SANS FAMILLE

une des rues les plus fréquentées et les plus commerçantes de Londres. Tout à coup je m’aperçus que Capi ne nous suivait plus. Qu’était-il devenu ? cela était extraordinaire. Je m’arrêtai pour l’attendre en me jetant dans l’enfoncement d’une allée, et je sifflai doucement, car nous ne pouvions pas voir au loin. J’étais déjà anxieux, craignant qu’il ne nous eût été volé, quand il arriva au galop, tenant dans sa gueule une paire de bas de laine et frétillant de la queue : posant ses pattes de devant contre moi il me présenta ces bas en me disant de les prendre ; il paraissait tout fier, comme lorsqu’il avait bien réussi un de ses tours les plus difficiles, et venait demander mon approbation.

Cela s’était fait en quelques secondes et je restais ébahi, quand brusquement Mattia prit les bas d’une main et de l’autre m’entraîna dans l’allée.

— Marchons vite, me dit-il, mais sans courir.

Ce fut seulement au bout de plusieurs minutes qu’il me donna l’explication de cette fuite.

— Je restais comme toi à me demander d’où venait cette paire de bas, quand j’ai entendu un homme dire : Où est-il le voleur ? le voleur c’était Capi, tu le comprends ; sans le brouillard nous étions arrêtés comme voleurs.

Je ne comprenais que trop : je restai un moment suffoqué : ils avaient fait un voleur de Capi, du bon, de l’honnête Capi !

— Rentrons à la maison, dis-je à Mattia, et tiens Capi en laisse.

Mattia ne me dit pas un mot et nous rentrâmes