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SANS FAMILLE

mère, dois-tu quand même les honorer et les aimer ?

— Tu n’as donc pas écouté le récit de mon père ?

— Qu’est-ce qu’il prouve ce récit ? Ils ont perdu un enfant du même âge que toi ; ils l’ont fait chercher et ils en ont retrouvé un du même âge que celui qu’ils avaient perdu ; voilà tout.

— Tu oublies que l’enfant qu’on leur avait volé a été abandonné avenue de Breteuil, et que c’est avenue de Breteuil que j’ai été trouvé le jour même où le leur avait été perdu.

— Pourquoi deux enfants n’auraient-ils pas été abandonnés avenue de Breteuil le même jour ? Pourquoi le commissaire de police ne se serait-il pas trompé en envoyant M. Driscoll à Chavanon ? Cela est possible.

— Cela est absurde.

— Peut-être bien ; ce que je dis, ce que j’explique peut être absurde, mais c’est parce que je le dis et l’explique mal, parce que j’ai une pauvre tête ; un autre que moi l’expliquerait mieux, et cela deviendrait raisonnable ; c’est moi qui suis absurde, voilà tout.

— Hélas ! non, ce n’est pas tout.

— Enfin tu dois faire attention que tu ne ressembles ni à ton père ni à ta mère, et que tu n’as pas les cheveux blonds, comme tes frères et sœurs qui tous, tu entends bien, tous, sont du même blond ; pourquoi ne serais-tu pas comme eux ? D’un autre côté, il y a une chose bien étonnante : comment des gens qui ne sont pas riches ont-ils dépensé tant d’argent pour retrouver un enfant ? Pour toutes ces rai-