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SANS FAMILLE

veiller Mattia, qui lui dormait tranquillement sans doute, je me tus.

Mon père aida les deux hommes à se décharger de leurs ballots, puis il disparut un moment et revint bientôt avec ma mère. Pendant son absence, les hommes avaient ouvert leurs paquets ; l’un était plein de pièces d’étoffes ; dans l’autre se trouvaient des objets de bonneterie, des tricots, des caleçons, des bas, des gants.

Alors je compris ce qui tout d’abord m’avait étonné : ces gens étaient des marchands qui venaient vendre leurs marchandises à mes parents.

Mon père prenait chaque objet, l’examinait à la lumière de sa lanterne, et le passait à ma mère qui avec des petits ciseaux coupait les étiquettes, qu’elle mettait dans sa poche.

Cela me parut bizarre, de même que l’heure choisie pour cette vente me paraissait étrange.

Tout en procédant à cet examen, mon père adressait quelques paroles à voix basse aux hommes qui avaient apporté ces ballots : si j’avais su l’anglais, j’aurais peut-être entendu ces paroles, mais on entend mal ce qu’on ne comprend pas ; il n’y eut guère que le mot policemen, plusieurs fois répété, qui frappa mon oreille.

Lorsque le contenu des ballots eut été soigneusement visité, mes parents et les deux hommes sortirent de la remise pour entrer dans la maison, et de nouveau l’obscurité se fit autour de nous ; il était évident qu’ils allaient régler leur compte.

Je voulus me dire qu’il n’y avait rien de plus natu-