Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
SANS FAMILLE

faut dire que son visage était dur, avec quelque chose de fourbe dans le sourire.

— Et quel est ce garçon, dit-il, en désignant Mattia du bout de sa plume de fer, comme s’il voulait lui darder une flèche.

— Un ami, un camarade, un frère.

— Très-bien ; simple connaissance faite sur les grands chemins, n’est-ce pas ?

— Le plus tendre, le plus affectueux des frères.

— Oh ! Je n’en doute pas.

Le moment me parut venu de poser enfin la question qui depuis le commencement de notre entretien m’oppressait.

— Ma famille, monsieur, habite l’Angleterre ?

— Certainement elle habite Londres ; au moins en ce moment.

— Alors je vais la voir ?

— Dans quelques instants vous serez près d’elle. Je vais vous faire conduire.

Il sonna.

— Encore un mot, monsieur, je vous prie : J’ai un père ?

Ce fut à peine si je pus prononcer ce mot.

— Non-seulement un père, mais une mère, des frères, des sœurs.

— Ah ! monsieur.

Mais la porte en s’ouvrant coupa mon effusion : je ne pus que regarder Mattia les yeux pleins de larmes.

Le monsieur s’adressa en anglais à celui qui entrait et je crus comprendre qu’il lui disait de nous conduire.

Je m’étais levé.