Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
SANS FAMILLE

raison dans ce moment : d’ailleurs nous n’avons rien de mieux à faire qu’à chanter et à jouer notre répertoire ; attendons pour nous promener que nous ayons ta voiture, cela sera moins fatigant ; à Paris je suis chez moi et je connais les bons endroits.

Il les connaissait si bien, les bons endroits, places publiques, cours particulières, cafés, que le soir nous comptâmes avant de nous coucher une recette de quatorze francs.

Alors, en m’endormant, je me répétai un mot que j’avais entendu dire souvent à Vitalis, que la fortune n’arrive qu’à ceux qui n’en ont pas besoin. Assurément une si belle recette était un signe certain que d’un instant à l’autre, mes parents allaient arriver.

J’étais si bien convaincu de la sûreté de mes pressentiments, que le lendemain je serais volontiers resté toute la journée à l’hôtel ; mais Mattia me força à sortir ; il me força aussi à jouer, à chanter, et ce jour-là nous fîmes encore une recette de onze francs.

— Si nous ne devions pas devenir riches bientôt par tes parents, disait Mattia, en riant, nous nous enrichirions nous-mêmes et seuls, ce qui serait joliment beau.

Trois jours se passèrent ainsi sans que rien de nouveau se produisît et sans que la femme de l’hôtel répondît autre chose à mes questions toujours les mêmes que son éternel refrain : « Personne n’est venu demander Barberin et je n’ai pas reçu de lettre pour vous ou pour Barberin » ; mais le quatrième jour enfin elle me tendit une lettre.

C’était la réponse de mère Barberin, ou plus juste-