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SANS FAMILLE

Ce mot trancha mes hésitations : puisque j’avais, je devais l’aider.

— Alors, c’est entendu ! lui dis-je.

Instantanément il me prit la main et me la baisa, et cela me remua le cœur si doucement, que des larmes me montèrent aux yeux.

— Venez avec moi, lui dis-je, mais pas comme domestique, comme camarade.

Et remontant la bretelle de ma harpe sur mon épaule :

— En avant ! lui dis-je.

Au bout d’un quart d’heure, nous sortions de Paris.

Les hâles du mois de mars avaient séché la route, et sur la terre durcie on marchait facilement.

L’air était doux, le soleil d’avril brillait dans un ciel bleu sans nuages.

Quelle différence avec la journée de neige où j’étais entré dans ce Paris, après lequel j’avais si longtemps aspiré comme après la terre promise !

Le long des fossés de la route l’herbe commençait à pousser, et çà et là elle était émaillée de fleurs de pâquerettes et de fraisiers qui tournaient leurs corolles du côté du soleil.

Quand nous longions des jardins, nous voyions les thyrses des lilas rougir au milieu de la verdure tendre du feuillage, et si une brise agitait l’air calme, il nous tombait sur la tête, de dessus le chaperon des vieux murs, des pétales de ravenelles jaunes.

Dans les jardins, dans les buissons de la route, dans les grands arbres, partout, on entendait des oiseaux qui chantaient joyeusement, et devant nous des hi-