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SANS FAMILLE

De Decize à Dreuzy nous n’avions plus qu’à nous hâter, ce que nous fîmes, car à l’exception de Châtillon-en-Bazois nous ne trouvions sur notre route que de pauvres villages, où les paysans n’étaient pas disposés à prendre sur leur nécessaire, pour être généreux avec des musiciens dont ils n’avaient pas souci.

À partir de Châtillon nous suivîmes les bords du canal, et ces rives boisées, cette eau tranquille, ces péniches qui s’en allaient doucement traînées par des chevaux me reportèrent au temps heureux où, sur le Cygne avec madame Milligan et Arthur, j’avais ainsi navigué sur un canal. Où était-il maintenant le Cygne ? Combien de fois lorsque nous avions traversé ou longé un canal avais-je demandé si l’on avait vu passer un bateau de plaisance qui, par sa verandah, par son luxe d’aménagement, ne pouvait être confondu avec aucun autre. Sans doute madame Milligan était retournée en Angleterre, avec son Arthur guéri. C’était là le probable, c’était là ce qu’il était sensé de croire, et cependant plus d’une fois, côtoyant les bords de ce canal du Nivernais, je me demandai en apercevant de loin un bateau traîné par des chevaux, si ce n’était pas le Cygne qui venait vers nous.

Comme nous étions à l’automne, nos journées de marche étaient moins longues que dans l’été, et nous prenions nos dispositions pour arriver autant que possible dans les villages où nous devions coucher, avant que la nuit fût tout à fait tombée. Cependant bien que nous eussions forcé le pas, surtout dans la fin de notre étape, nous n’entrâmes à Dreuzy qu’à la nuit noire.

Pour arriver chez la tante de Lise, nous n’avions