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SANS FAMILLE

suite ; mettre le beurre, verser la pâte était assez facile, mais ce que nous n’avions pas c’était le coup de main pour faire sauter la crêpe ; j’en mis une dans les cendres, et Mattia en reçut une autre toute brûlante sur la main.

Quand la terrine fut enfin vidée, Mattia qui s’était très-bien aperçu que mère Barberin ne voulait point parler devant lui, « de ce qui avait de l’intérêt pour moi, » déclara qu’il avait envie de voir un peu comment se conduisait la vache dans la cour, et sans rien écouter, il nous laissa en tête-à-tête, mère Barberin et moi.

Si j’avais attendu jusqu’à ce moment, ce n’était cependant pas sans une assez vive impatience, et il avait vraiment fallu tout l’intérêt que je portais à la confection des crêpes pour ne pas me laisser absorber par ma préoccupation.

Si Barberin était à Paris c’était, me semblait-il, pour retrouver Vitalis et se faire payer par celui-ci les années échues pour mon loyer. Je n’avais donc rien à voir là dedans. Vitalis étant mort, il ne pouvait pas payer, et ce n’était pas à moi qu’on pouvait réclamer quelque chose. Mais si Barberin ne pouvait pas me réclamer d’argent, il pouvait me réclamer moi-même, et ayant mis la main sur moi, il pouvait aussi me placer n’importe où, chez n’importe qui, à condition qu’on lui payerait une certaine somme. Or, cela m’intéressait, et même m’intéressait beaucoup, car j’étais bien décidé à tout faire avant de me résigner à subir l’autorité de l’affreux Barberin ; s’il le fallait, je quitterais la France, je