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SANS FAMILLE

De ma place je voyais la barrière, et il n’y avait pas à craindre que mère Barberin nous arrivât sur le dos à l’improviste.

Ainsi installé, je pus regarder autour de moi. Il me sembla que j’avais quitté la maison la veille seulement : rien n’était changé, tout était à la même place, et le papier avec lequel un carreau cassé par moi avait été raccommodé n’avait pas été remplacé, bien que terriblement enfumé et jauni.

Si j’avais osé quitter ma place j’aurais eu plaisir à voir de près chaque objet, mais comme mère Barberin pouvait survenir d’un moment à l’autre, il me fallait rester en observation.

Tout à coup j’aperçus une coiffe blanche, en même temps la hart qui soutenait la barrière craqua.

— Cache-toi vite, dis-je à Mattia.

Je me fis de plus en plus petit.

La porte s’ouvrit : du seuil mère Barberin m’aperçut.

— Qui est là ? dit-elle.

Je la regardai sans répondre, et de son côté elle me regarda aussi.

Tout à coup ses mains furent agitées par un tremblement :

— Mon Dieu, murmura-t-elle, mon Dieu, est-ce possible, Rémi !

Je me levai et courant à elle, je la pris dans mes bras.

— Maman !

— Mon garçon, c’est mon garçon !

Il nous fallut plusieurs minutes pour nous remettre et pour nous essuyer les yeux.