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SANS FAMILLE

— Si tu l’appelais ?

La tentation fut vive, cependant j’y résistai ; je m’étais pendant plusieurs mois fait la fête d’une surprise, je ne pouvais pas y renoncer ainsi tout à coup.

Nous ne tardâmes pas à arriver devant la barrière de mon ancienne maison, et nous entrâmes comme j’entrais autrefois.

Connaissant bien les habitudes de mère Barberin, je savais que la porte ne serait fermée qu’à la clenche et que nous pourrions entrer dans la maison ; mais avant tout il fallait mettre notre vache à l’étable. J’allai donc voir dans quel état était cette étable, et je la trouvai telle qu’elle était autrefois, encombrée seulement de fagots. J’appelai Mattia et après avoir attaché notre vache devant l’auge, nous nous occupâmes à entasser vivement ces fagots dans un coin, ce qui ne fut pas long, car elle n’était pas bien abondante la provision de bois de mère Barberin.

— Maintenant, dis-je à Mattia, nous allons entrer dans la maison, je m’installerai au coin du feu pour que mère Barberin me trouve là ; comme la barrière grincera lorsqu’elle la poussera pour rentrer, tu auras le temps de te cacher derrière le lit avec Capi, et elle ne verra que moi ; crois-tu qu’elle sera surprise !

Les choses s’arrangèrent ainsi. Nous entrâmes dans la maison, et j’allai m’asseoir dans la cheminée, à la place où j’avais passé tant de soirées d’hiver. Comme je ne pouvais pas couper mes longs cheveux, je les cachai sous le col de ma veste, et, me pelotonnant je me fis tout petit pour ressembler autant que possible au Rémi, au petit Rémi de mère Barberin.