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SANS FAMILLE

— Mère Barberin est chez elle, dis-je.

Une légère brise passa dans les arbres, et, abattant la colonne de fumée, elle nous la jeta dans le visage : cette fumée sentait les feuilles de chêne.

Alors tout à coup je sentis les larmes m’emplir les yeux et, sautant à bas du parapet, j’embrassai Mattia. Capi se jeta sur moi, et, le prenant dans mes bras, je l’embrassai aussi.

— Descendons vite, dis-je.

— Si mère Barberin est chez elle, comment allons-nous arranger notre surprise ? demanda Mattia.

— Tu vas entrer seul, tu diras que tu lui amènes une vache de la part du prince, et quand elle te demandera de quel prince il s’agit, je paraîtrai.

— Quel malheur que nous ne puissions pas faire une entrée en musique : voilà qui serait joli !

— Mattia, pas de bêtises.

— Sois tranquille, je n’ai pas envie de recommencer, mais c’est égal, si cette sauvage-là aimait la musique, une fanfare aurait été joliment en situation.

Comme nous arrivions à l’un des coudes de la route qui se trouvait juste au-dessus de la maison de mère Barberin, nous vîmes une coiffe blanche apparaître dans la cour : c’était mère Barberin, elle ouvrit la barrière et sortant sur la route, elle se dirigea du côté du village.

Nous étions arrêtés et je l’avais montrée à Mattia.

— Elle s’en va, dit-il, et notre surprise ?

— Nous allons en inventer une autre.

— Laquelle ?

— Je ne sais pas.