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SANS FAMILLE

je porterai dans mes bras si elle n’est pas trop grande ; elle sera ma sœur aussi.

— Oh ! Rémi !

Et il n’en put pas dire davantage tant il était ému.

En parlant ainsi et en marchant toujours à grands pas, nous étions arrivés au haut de la colline où commence la côte qui par plusieurs lacets conduit à Chavanon, en passant devant la maison de mère Barberin.

Encore quelques pas, et nous touchions à l’endroit où j’avais demandé à Vitalis la permission de m’asseoir sur le parapet pour regarder la maison de mère Barberin, que je pensais ne jamais revoir.

— Prends la longe, dis-je à Mattia.

Et d’un bond je sautai sur le parapet ; rien n’avait changé dans notre vallée ; elle avait toujours le même aspect ; entre ses deux bouquets d’arbres, j’aperçus le toit de la maison de mère Barberin.

— Qu’as-tu donc ? demanda Mattia.

— Là, là.

Il vint près de moi, mais sans monter sur le parapet dont notre vache se mit à brouter l’herbe.

— Suis ma main, lui dis-je ; voilà la maison de mère Barberin, voilà mon poirier, là était mon jardin.

Mattia, qui ne regardait pas avec ses souvenirs comme moi, ne voyait pas grand’chose, mais il n’en disait rien.

À ce moment, un petit flocon de fumée jaune s’éleva au-dessus de la cheminée, et, comme le vent ne soufflait pas, elle monta droit dans l’air le long du flanc de la colline.