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SANS FAMILLE

alors tout le monde se secouait, les femmes défripaient leurs jupes.

Dans la rue tout un flot mouvant se dirigeait vers le champ de foire ; comme il n’était encore que six heures, nous eûmes envie d’aller passer en revue les vaches qui étaient déjà arrivées et de faire notre choix à l’avance.

Ah ! les belles vaches ! Il y en avait de toutes les couleurs et de toutes les tailles, les unes grasses, les autres maigres, celles-ci avec leurs veaux, celles-là traînant à terre leur mamelle pleine de lait ; sur le champ de foire se trouvaient aussi des chevaux qui hennissaient, des juments qui léchaient leurs poulains, des porcs gras qui se creusaient des trous dans la terre, des cochons de lait qui hurlaient comme si on les écorchait vifs, des moutons, des poules, des oies ; mais que nous importait ! nous n’avions d’yeux que pour les vaches qui subissaient notre examen en clignant les paupières et en remuant lentement la mâchoire, ruminant placidement leur repas de la nuit, sans se douter qu’elles ne mangeraient plus l’herbe des pâturages où elles avaient été élevées.

Après une demi-heure de promenade, nous en avions trouvé dix-sept qui nous convenaient tout à fait, celle-ci pour telle qualité, celle-là pour telle autre, trois parce qu’elles étaient rousses, deux parce qu’elles étaient blanches ; ce qui bien entendu souleva une discussion entre Mattia et moi.

À sept heures nous trouvâmes le vétérinaire qui nous attendait et nous revînmes avec lui au champ de foire en lui expliquant de nouveau quelles qualités