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SANS FAMILLE

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liquement sur une chaise, pâle, les yeux vitreux, les joues caves, nous nous gardions bien d’aller nous camper brutalement devant lui, pour l’arracher à ses tristes pensées. Nous nous mettions à jouer loin de lui comme si nous jouions pour nous seuls et en nous appliquant consciencieusement ; du coin de l’œil nous l’observions ; s’il nous regardait avec colère, nous nous en allions ; s’il paraissait nous écouter avec plaisir, nous nous rapprochions, et Capi pouvait présenter hardiment sa sébile, il n’avait pas à craindre d’être renvoyé à coup de pied.

Mais c’était surtout près des enfants que Mattia obtenait ses succès les plus fructueux ; avec son archet il leur donnait des jambes pour danser et avec son sourire il les faisait rire même quand ils étaient de mauvaise humeur. Comment s’y prenait-il ? Je n’en sais rien. Mais les choses étaient ainsi : il plaisait, on l’aimait.

Le résultat de notre campagne fut vraiment merveilleux ; toutes nos dépenses payées, nous eûmes assez vite gagné soixante-huit francs.

Soixante-huit francs et cent quarante-six que nous avions en caisse cela faisait deux cent quatorze francs ; l’heure était venue de nous diriger sans plus tarder vers Chavanon en passant par Ussel où, nous avait-on dit, devait se tenir une foire importante pour les bestiaux.

Une foire, c’était notre affaire ; nous allions pouvoir acheter enfin cette fameuse vache dont nous parlions si souvent et pour laquelle nous avions fait de si rudes économies.