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SANS FAMILLE

son attitude, ses regards parlaient pour ses lèvres.

Au premier rang, il me sembla apercevoir des surplis blancs et des ornements dorés qui brillaient au soleil. C’était le clergé de Varses qui était venu à l’entrée de la mine prier pour notre délivrance.

Quand nous parûmes, il se mit à genoux sur la poussière, car pendant ces quatorze jours, la terre mouillée par l’orage avait eu le temps de sécher.

Vingt bras se tendirent pour me prendre, mais l’ingénieur ne voulut pas me céder et, fier de son triomphe, heureux et superbe, il me porta jusqu’aux bureaux où des lits avaient été préparés pour nous recevoir.

Deux jours après je me promenais dans les rues de Varses suivi de Mattia, d’Alexis, de Capi, et tout le monde sur mon passage s’arrêtait pour me regarder.

Il y en avait qui venaient à moi et me serraient la main avec des larmes dans les yeux.

Et il y en avait d’autres qui détournaient la tête. Ceux-là étaient en deuil et se demandaient amèrement pourquoi c’était l’enfant orphelin qui avait été sauvé, tandis que le père de famille, le fils étaient encore dans la mine, misérables cadavres charriés, ballottés par les eaux.

Mais parmi ceux qui m’arrêtaient ainsi il y en avait qui étaient tout à fait gênants, ils m’invitaient à dîner ou bien à entrer au café.

— Tu nous raconteras ce que tu as éprouvé, disaient-ils.

Et je remerciais sans accepter, car il ne me convenait point d’aller ainsi raconter mon histoire à des in-