Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
SANS FAMILLE

magister pris d’une main par l’oncle Gaspard, de l’autre par Carrory fut hissé jusqu’au palier, pendant que je le poussais par derrière. Puis quand il fut arrivé, je remontai à mon tour.

Déjà il avait retrouvé sa pleine connaissance.

— Viens ici, me dit-il, que je t’embrasse, tu m’as sauvé la vie.

— Vous avez déjà sauvé la nôtre.

— Avec tout ça, dit Carrory, qui n’était point de nature à se laisser prendre par les émotions pas plus qu’à oublier ses petites affaires, — ma botte est perdue, et je n’ai pas bu.

— Je vais te la chercher, ta botte.

Mais on m’arrêta.

— Je te le défends, dit le magister.

— Eh bien ! qu’on m’en donne une autre, que je rapporte à boire, au moins.

— Je n’ai plus soif, dit Compayrou.

— Pour boire à la santé du magister.

Et je me laissai glisser une seconde fois, mais moins vite que la première et avec plus de précaution.

Échappés à la noyade, nous eûmes le désagrément, le magister et moi, d’être mouillés des pieds à la tête. Tout d’abord nous n’avions pas pensé à cet ennui, mais le froid de nos vêtements trempés nous le rappela bientôt.

— Il faut passer une veste à Rémi, dit le magister.

Mais personne ne répondit à cet appel, qui, s’adressant à tous, n’obligeait ni celui-ci, ni celui-là.

— Personne ne parle ?

— Moi, j’ai froid, dit Carrory.